La Scandinavie c'est pas très très loin de l'Allemagne. Moins loin de l'Allemagne que de la France en tout cas. Ça n'empêche qu'à Nantes en ce moment, dans le château des ducs de Bretagne, se tient une très belle expo « Vikings », avec plein d'informations intéressantes, des objets historiques et même un jeu de société !
Une expo sur les vikings donc
(qui ne portaient pas de casques à pointe, c'est Wagner figurez-vous qui a inventé ce mythe, voilà une info a placé entre le fromage et le dessert).
Force est de constater par ailleurs que Nietzsche était un viking... oui ça m'a fait un choc à moi aussi.
Mais déjà, la moustache... vous en conviendrez...
Et puis, aussi irrévérencieux soit-il de parler de « mythologie » dans le cas de Nietzsche, disons que sa non-mythologie résonne avec la mythologie positive des vikings,
encore un choc… « tous les dieux sont morts » nous dit quand mème Zarathustra, c'est une déclaration presque célèbre aujourd'hui.
Mais laissez-moi vous parler du monde viking pour vous convaincre, et j'entends par là du monde tel que les vikings l'imaginaient. Je serai bref et tout à fait non exhaustif
(j'ai pas lu toutes les pancartes, à la base moi je venais pour profiter de la clim du musée).
De mémoire :
Au départ il y avait un grand fossé, d'un côté le bord était de feu, et de l'autre de glace. La rencontre donne un grand géant. Odin le tue et de son corps fabrique Midgard, le monde. La chair donne la terre, le sang donne l'eau, la chevelure les arbres, les poils l'herbe et la moustache de Nietzsche, les os les cailloux…
Midgard est une citadelle qui se protège des géants.
Encore plus au centre il y a Asgard, le royaume bien nommé, citadelle dans la citadelle, qui protège les Ases. Les dieux principaux, Ases et Asynes. Odin, Thor, Freya, Loki... qui se tiennent bien à l'écart de Jötunheim, le royaume qu'Odin a laissé aux géants contenus derrière un mur de feu.
Un jour les géants chercheront vengeance pour le crime originel, ce sera le Ragnarok.
On pense à la titanomachie, et à l'apocalypse.
Mais plus au centre – c'est là que l'on se dit qu'il y a du viking dans les poils de moustache de Zarathustra – il y a l'arbre cosmique, l'arbre monde, sur qui tout repose (tout, tous les différents mondes, la liste est modérément longue).
Laissez-moi citer au sujet de cet arbre le panneau de l'exposition, il faut rendre à Ragnar ce qui est à Ragnar :
L'arbre Yggdrasil pousse en plein cœur du cosmos. L'arbre monde est un frêne à trois racines. La première remonte jusqu'à la source de la Norne Urd (divinité du destin), à Migard, la deuxième va jusqu'au Jötunheim, le royaume des géants et la troisième jusqu'au royaume des morts Niflheim. Dans les profondeurs de la terre, le serpent Nidhogg ronge sans cesse l'une des racines de cet arbre, tandis qu'un aigle est perché à son sommet. Une grande animosité règne entre l'aigle et le serpent. L'écureuil Ratastok monte et descend à toute vitesse le long du tronc pour rapporter aux deux animaux les commérages malfaisants proférés par l'autre.
Il y a dans Ainsi parlait Zarathoustra, et notamment dans la bande dessinée qui fait bien je trouve dans l'image parler le texte, une telle densité des allégories, et des métamorphoses, qu'il est pour moi compliqué d'avancer dans l'œuvre. Le fardeau du sens est lourd à traîner.
Je n'en suis donc rendu qu'à la moitié du tome 1 de cette adaptation en bande dessinée en deux tomes du livre de Nietzsche.
(Je l'emmène pourtant partout avec moi, je vous assure, la reliure en souffre)
J'y ai néanmoins lu cette séquence des trois métamorphoses dans la vie d'un être humain, qui traîne d'abord son poids comme un dromadaire dans le désert, qui crie « je veux » ensuite comme un lion, et qui évolue ensuite dans le monde, grandi de l'expérience j'imagine, comme un enfant toujours volontaire. Qui dit oui. Jamais sceptique donc.
L'enfant selon Zarathustra doit avoir deux compagnons, indispensables : le serpent rusé et l'aigle fier. S'agit pas de dire oui n'importe comment non plus. C'est compliqué.
Et hier face à la mythologie viking, médiévale presque antique, j'ai eu la sensation d'y voir un approfondissement des pensées de Nietzsche. Ou plutôt d'y voir une concordance augmentée, une synergie donc.
Dans le cadre d'une coïncidence bluffante peut-être.
Je n'avais jamais imaginé les deux compagnons de l'enfant en relation d'animosité, l'un envers l'autre. Mais maintenant ça fait sens.
Et l'écureuil au milieu, l'être humain tiraillé peut-être, l'enfant sur le fil toujours comme un funambule.
C'est un choix compliqué que d'éliminer le scepticisme... forcément il ne reste que le doute.
Merci Odin, je suppose.
*Ne pas confondre le serpent Nidhogg avec le serpent monde qui tourne sempiternellement autour de Midgard dans sa vaine tentative de se manger la queue. Le serpent monde est le fils de Loki, renié par celui-ci, jeté à la naissance dans la mer, en pleine croissance depuis...
https://krapooarboricole.files.wordpress.com/2010/06/yggdrasil21.jpg
(je n'ai pas trouvé d'image cosmologique avec le serpent monde...)