C'est pas parce que l'on est grand que l'on doit rester assis
Dans le premier tome des "Scènes de la vie de provinces", Balzac tentait de nous expliquer comment "durant la belle saison de la vie, certaines illusions, de blanches espérances, des fils argentés descendent des cieux et y retournent sans avoir touché terre."
Terrible affirmation dont Richard Dooner tente ici de définir les limites en rendant justice aux moins de dix ans, catégorie de la population dont les rêves sont palpables et pour qui les illusions sont réservées aux adultes.
Déjà, "Maman, j'ai raté l'avion" renversait la vapeur en offrant un autre avenir à la jeunesse. L'enfant n'a pas besoin d'aide pour gérer la maison. Il peut très bien commander des pizzas et il a tout l'arsenal nécessaire pour se défendre (billes, punaises, trampoline, luge...). Par sa probité et son absence de préjugés, il peut très vite se créer un réseau d'amis auprès des clochards du coin qui l'aideront dans les taches difficiles, comme enlever la neige devant le garage et attraper les objets un peu hauts. Ce film posait donc l'axiome de base: quand les parents ne sont pas là, les enfants sautent dans leur lit et vivent la vraie vie.
Les Goonies, eux, n'ont jamais lu Balzac. Et grand bien leur en fait. Ainsi ils n'ont pas attendu la nouvelle vague (Titeuf, Cartman et autres Kid Paddle) pour prendre les choses en main et nous rappeler que les affaires de l'enfant sont tout aussi sérieuses que celles de ses parents. En effet, quand l'adulte cherche dans une société aseptisée les moyens d'assurer son avenir, l'enfant, de ses petites mains agiles, creuse dans les bacs à sable et trouve des trésors. "Les Goonies" n'est pas un voyage initiatique, et encore moins une aventure fabuleuse. C'est le résumé réaliste du mercredi après-midi de la plupart des enfants de cette planète.
Ainsi, surfant sur la vague des enfants militants, Les Goonies vont changer la donne. Ils nous montrent qu'en sortant des sentiers battus et en ouvrant ses yeux au rêve, on peut sauver sa ville et les gens qu'on aime.
Tout d'abord, Richard Dooner nous peint la triste condition de l'adulte, destiné à choisr entre la méchanceté et l'impuissance. Le méchant est cet adulte sale, mal rasé et à l'haleine de café qui parle à l'enfant avec autorité et condescendance. Il ne voit pas dans l'enfant une menace de changement, mais l'occasion d'un profit facile. Il fini bien souvent par être désagréablement surpris. Puis nous avons l'adulte impuissant, que l'on voit peu dans le film du fait du peu d'intérêt qu'il inspire. Il a ses affaires, aussi absurdes que rigides, et y consacre beaucoup d'énergie. Pourtant, en y regardant de plus près, il n'obtient toujours que de maigres résultats, voir des résultats inverses. Malgré l'expérience, l'œil affuté et les conseils de ses enfants, il s'enferme dans ses démarches conventionnelles et, souvent, s'empêtrent jusqu'à la retraite.
Mais les Goonies sont bien loin de tout ça et le mot « complication » est pour eux un mot bien trop compliqué. Quand ils apprennent que leur quartier va être détruit par un promoteur immobilier, réunissant à lui seul les deux catégories de l'adulte, ils n'ont pas besoin de réfléchir très longtemps. Ils trouvent une carte, un tunnel et un ami difforme mais très costaud et fonce à la recherche d'une solution. Une heure et demie plus tard, ils ressortent de l'autre coté avec un trésor, un bateau pirate et des petites copines. Tout le monde est content, sauf le promoteur que personne n'aimait de toute façon.
L'enfant retrouve ses parents et les enlace tendrement. Le visage transformé par la liesse, il jette à la caméra un regard humide, brillant. Il fixe les adultes spectateurs à travers l'écran. Seulement les adultes, car les enfants ont depuis longtemps compris. Dans le scintillement de ses yeux, on croirait lire une mélancolie bleutée, un scintillement qui clignote en morse et qui nous dit : « Avez-vous bien regardé ? C'est comme ça qu'il faut faire. »