Critique de Shaynning

Bd adulte de 2020, dont la magnifique couverture ne laissera pas indifférent le lecteur qui passe dans les rayons BD, "Parfum de soie" traite de ces artistes japonaises que sont les Geisha. Nous sommes au XIXe siècle, où Isako, notre protagoniste, a environ 12 ans et elle talonne son père, qui effectue une livraison de kimonos de soie qu'il a tissé à un Okiya, une maison de Geisha. Du même coup, il officialise une autre vente: celle d'Isako. Alors qu'elle devait en principe être une servante le reste de sa vie, on apprend que l'histoire familiale d'Isako est complexe. Entre ses sœurs aînés qui furent aussi vendues, des hommes influents et ses parents se joue une guerre de pouvoir et d'influence ( qui je dois dire m'échappe un peu) et Isako, devenue un pion dans ce jeu, va devenir, contre toute attentes, apprentie-Geisha. Afin de maximiser des chances de devenir influente elle aussi, elle aspire à plaire à l'homme le plus haut placé, le Daimyo, une sorte de seigneur. Elle pourra compter sur quelques rares alliés et sur un art oublié, celui des odeurs, appelé "Koh-Do".

Visuellement, c'est magnifique, avec ces kimonos splendides, ouvragés et colorés, sans parler de l'abondance de fleurs et de détails dans les décors. La palette de couleur est très riche, c'est une grande force. Côté dessin, j'ai trouvé les personnages intéressants, ils ont une gestuelle et un non-verbal bien travaillé, des expressions fortes, malgré quelques petits erreurs de poses pardonnables. J'ai par contre trouvé les yeux D'Isako beaucoup trop grands pour son visage, par moment, nous ne sommes pas dans un manga.

Hormis les manigances qui s'opéraient entre les adultes, que j'ai plus ou moins saisies, tout le reste était fort intéressant. Les Geisha sont un art en soit, tant de part leur apparence que par leurs talents. Ce n'est donc pas strictement une marchandisation de la beauté féminine. C'est néanmoins navrant de les voir objectivisées par les hommes, un peu comme des meubles ou des serveuses. La violence de ceux-ci pour leurs épouses ou leur protégée est d'ailleurs évidente et semble faire parti du quotidien. Il n'y a qu'entre elles qu'on peut apercevoir leur force réelle. Les Geisha évoluent dans un univers clos, hiérarchique et très codifié d'ordinaire, mais c'est beaucoup plus souple sur ces éléments dans cette BD.

À certains égards, l'histoire d'Isako me fait penser à celle de Sayuri, du roman "Geisha", petite fille aux yeux bleus vendue par son père qui devient une femme magnifique et une habile Geisha. Mais contrairement à Sayuri, Isako prend une voie radicalement différente en choisissant de rompre sa lancée.

L'élément qui m'a vraiment enthousiasmée fut le Koh-do. Un art olfactif, en voilà un truc intriguant! C'est dommage que son apprentissage fut si peu traité, c'était intéressant. On ne voit pas non plus beaucoup l'apprentissage de Geisha d'Isako, en fait. C'est très survolé. Les intrigues et les coup en traître occupent plus de place.
Il n'en demeure pas moins que j'ai apprécié cette BD aux couleurs exquises et son sujet. J'avais déjà de bonnes connaissances sur ces femmes artistes, ce qui a grandement facilité ma vie, surtout en lisant tous ces termes japonais, mais pour ceux qui ne sont pas familiers, pas de soucis, il y a des explications en bas de page. C'est, selon moi, une histoire de femmes. Des femmes qui luttent comme elles peuvent, des femmes qui misent sur leurs charmes et leur art, des femmes en quête de liberté. On peut se demander si les Geisha se considéraient réellement libres, mais peut-être est-ce justement une réflexion soulevé par cette histoire.