Prévert est le poète de l'école par excellence. Celui que tous les élèves vont croiser au moins une fois au cours de leur scolarité. Mais avant d'être poète, le bon Jacques a été un gamin de vingt ans. Après la conscription en Turquie où il rencontrera Marcel Duhamel, il rentre à Paris. Nous sommes en 1921 et avec son ami le peintre Yves Tanguy, il va connaître une existence bohème. De petits boulots en glandouille permanente, de colocations festives en soirée arrosées, le jeune homme traverse les années 20 en toute insouciance, comme si demain n'existait pas.

Une biographie dessinée passionnante car elle montre Prévert avant Prévert. Un gosse jouant les dandys, punk avant l'heure, vivant au crochet de ses proches, reconnaissant qu'il n'a « aucun goût pour le travail ». Il multiplie les excès, ne respecte rien ni personne. Alors qu'il na pas encore écrit quoi que ce soit, il se permet de déclarer à Desnos : « Je connais votre travail, vous savez. Je trouve ça dégueulasse. Positivement dégueulasse. » Fréquentant André Breton et les surréalistes, participant activement à l'invention des fameux « cadavres exquis », il va peu à peu trouver sa voix en scénarisant des courts métrages, notamment pour son frère, Pierre. A la fin de ce premier volume (il y en aura trois en tout), alors que le cinéma l'accapare à plein temps, un de ses textes est publié dans la revue « Commerce » fondée par Paul Valéry. Une entrée en littérature timide, au cours de l'été 1931, qui lui ouvrira bien d'autres portes.

Graphiquement, Christophe Cailleaux a pris le parti de faire sauter les cadres classiques de la narration en faisant de chaque page un mini tableau sans véritable case. Une façon de recréer le foisonnement du Paris des années folles et de mettre en lumière la liberté et l’irrévérence de son personnage. Ce coté déstructuré ne nuit en aucun cas à la lisibilité, il donne au contraire une dimension supplémentaire au récit.

Un vrai bonheur de découvrir Prévert loin de l'image d'Épinal du vieux poète chantant la nature et l'enfance. Sa jeunesse rock'n roll méritait bien un album et Cailleaux et Bourhis lui rendent ici un bel hommage !
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le 24 sept. 2014

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