"L'enfer du travail salarié"
Voici une adaptation en bd du roman éponyme de Jean-Pierre Levaray, qui décrit le quotidien d'un ouvrier en 3/8 dans une usine de produits chimique de type Seveso.
Un quotidien monotone, difficile, dans le cadre de l'usine, avec ses rituels, comme la douche, le café, l'apéro, qui permettent de tenir, tant bien que mal, et de revenir chaque jour au turbin, tels de modernes Sisyphe.
Un travail éreintant, qui use les corps jusqu'au bout, et qui n'est supporté que par l'usage de « drogues », comme l'alcool : « ceux qui buvaient avaient des boulots pénibles ou tout bêtement chiants » (montrant ainsi le lien entre alcoolisme et travail).
Un travail qui tue, par conséquent : « l'usine, c'est l'endroit de survie par excellence. On y meurt lentement ou violemment... Mais on y meurt ». Une usine qui donne du travail, mais qui est aussi mortifère : on nous raconte les morts de nombreux ouvriers avant même qu'ils n'aient atteint l'âge de la retraite, les conditions de travail dégradées, les mesures de sécurité négligées, le travail en lui-même, le stress, les horaires, les produits utilisés provoquant cancers, accidents, infarctus ou suicides.
Efix nous offre ainsi des portraits de vie, et de mort, des visages terribles, ceux d'hommes à bout, fatigués, las, fatalistes pour certains qui savent qu'ils vont finir par perdre leur travail, désespérés pour d'autres qui en viendraient même à souhaiter que la boîte ferme.
Un travail de plus en plus pénible d'où la nécessité de dire non, de se syndiquer, de faire grève, ce qui fait du bien et apporte une bulle d'air car avec la grève, on existe, on regagne un peu de fierté, on reprend un peu sa vie en main.
Efix décrit très bien aussi le malaise qui touche les ouvriers de plus de quarante ans, des hommes qui ne sont plus motivés par un travail qu'il faut quand même garder, en dépit des accidents, des morts, parlant même de syndrome du survivant.
Voilà donc au final, une bd qui, le plus souvent avec des mots très justes, dénonce l'aliénation lié au travail en usine, ou au travail tout court, comme résumé par un vieux dicton castillan indiqué dans l'album : « si fuese el trabajaro tan bueno se lo hubieran guardado los ricos para si solos » (« si le travail était une bonne chose, les riches se le garderaient pour eux »).