Depuis presque deux ans, la collection Urban China s'emploie, à travers la bande dessinée, à faire découvrir la culture chinoise au public francophone. Qu'il s'agisse d'auteurs chinois adaptés en français ou de récits qui abordent des thématiques liées au pays le plus peuplé du monde, la ligne éditoriale lancée par Média-Participations (propriétaire des éditions Dargaud, Dupuis et Le Lombard) à la suite d'un partenariat avec l'éditeur cantonais Comics Fans nous emmène voyager à chacune de ses parutions.
De quoi ça parle ?
Dans la Chine des années 90, un propriétaire d’immeuble se souvient de trois de ses locataires. Peu éduquées et naïves, elles sont toutes tombées dans la prostitution, chacune pour des raisons diverses. Que leur mari les force à tapiner afin d'éponger ses dettes de jeu, qu’elles choisissent de payer ainsi les études de leurs enfants ou qu’elles espèrent ainsi trouver un mari, ces prostituées vont toutes, à travers leur destin sordide, dessiner le portrait d’une Chine aux portes de la modernité, encore rongée par les mafias locales et le trafic de drogue et menacée par un nouveau fléau, le VIH.
Pourquoi j'adore ?
Parce que ce manhua (le nom donné aux bandes dessinées chinoises) possède un style graphique très singulier, qui tranche avec la grande majorité des productions asiatiques. On le doit à un jeune artiste très prometteur, Seven, qui, pour sa première BD, a choisi d’adapter Dix ans d’investigations secrètes, un roman documentaire du journaliste Li Yaosha. Avec ses longs personnages aux visages anguleux dont on perçoit à peine le nez et les yeux (à la différence de la plupart des mangas), son découpage rythmé avec soin et ses splendides couleurs aux teintes chaudes, ce dessinateur chinois, de seulement 21 ans, rend audibles les histoires très crues de ces femmes, sans jamais les édulcorer.
Parce que si le thème de la prostitution a déjà été plusieurs fois abordé en bande dessinée (dans L'Astragale par exemple, très belle adaptation du roman d'Albertine Sarrazin par Anne-Caroline Pandolfo ou dans Miss Pas Touche sur l'âge d'or des bordels dans les années 30 par Hubert et Kerascoët), il reste d'actualité et ne tombe jamais dans le voyeurisme.
Parce que si Red Angels dresse un portrait sans concession des bas-fonds chinois, ce récit est également un reportage poignant sur la prostitution et les violences dont ces femmes sont victimes, qu'elles soient de Chine ou d'ailleurs.
C’est pour vous si…
Vous aimez la BD de reportage et de non-fiction et que vous cherchez à apprendre des choses lorsque vous vous plongez dans un album. Et si cette année, vous avez aimé Mauvaises Filles de Ancco (éd. Cornélius), qui, dans un style graphique lui aussi très en marge des productions asiatiques actuelles, abordait la violence dont sont victimes des femmes dans la société coréenne, vous devriez succomber au charme particulier de cet auteur dont on suivra l'évolution.
Critique publiée sur Pop Up'.