Rolqwir, Tome 1 par Ninesisters
Il y a 10 ans tout juste, je découvrais une des BD les plus drôles qu’il m’ait été donné de lire : Sentai School. Ses auteurs, Philippe Cardona & Florence Torta, sont deux passionnés de culture BD / Jeux-Vidéo / Cinéma à l’humour ravageur, avec un penchant très net pour le Japon et les références de tout poil. En seulement 5 albums, ils ont fait de leur série une des plus franches réussites des années 2000, jusqu’à ce qu’une brouille avec leur éditeur les oblige à aller voir ailleurs, parfois séparément, et ne les conduise sur des projets souvent indignes de leur talent.
C’est donc un plaisir de les retrouver avec Rolqwir, leur nouvelle série, adaptée d’un fanzine qu’ils avaient publiés quelques années auparavant.
La question est la suivante : sont-ils toujours aussi drôles ? Je répondrai seulement que je me suis fendu la poire pendant une bonne partie de ce premier album.
Jean de Rolqwir est un chevalier braillard, prétentieux, incapable, et très légèrement chauvin sur les bords. Convaincu que la culture française est la meilleure au monde, il a bien l’intention de l’exporter au Yamato, pays perdu qu’il imagine complètement arriéré. Mais il va trouver sur place une technologie étonnante, mais surtout des us et coutumes qui le dépassent complètement.
Il pense néanmoins avoir trouvé comment prouver sa supériorité – et à travers lui celle de la France – lorsqu’il accepte de mener à bien une noble quête pour un petit village des montagnes, accompagné du renard Kippil, et de Meïdo, la soubrette ninja du clan secret de Konana.
Le début a été pour moi une légère déception, car les dialogues auraient pu être meilleurs ; ils s’arrangent heureusement par la suite. Il faut aussi le temps de s’habituer à l’univers très particulier de Rolqwir ; alors que l’histoire se déroule au XVIIIème Siècle, nous découvrons rapidement que le Roi de France se nomme Louis XXIII, qu’il existe des animaux anthropomorphes, que dans ce monde la magie est une réalité, et que les habitants de Yamato chevauchent des hamsters et d’étranges créatures de métal nommées Méka, entre autres anachronismes. Le héros n’est donc pas le seul à être dépaysé, et il faudra au lecteur quelques temps d’adaptation.
D’autant que les auteurs se sont amusé à dévoiler progressivement les spécificités de cet univers et de leur série, en ne faisant intervenir qu’au bout de quelques pages les premières références visibles à l’animation et aux manga, à commencer par la délicieuse Celty juchée sur sa moto. Suivront Lamu essayant d’emmener Ronnie dans un Love Hôtel, ou encore Gaspard Savoureux dégustant une spécialité française. Comme pour Sentai School, la série peut s’apprécier sans saisir (toutes) les références, mais plus nous en remarquons mieux c’est ; d’autant plus que dans un ou deux cas, elles sont presque indispensables (comme le passage contre le gardien de la porte).
L’humour de Rolqwir s’appuie à la fois sur la personnalité haute-en-couleur de ses protagonistes, le décalage entre notre héros et son nouvel environnement, et les situations délirantes auxquelles tout ce petit monde sera confronté.
Ce premier tome, malgré un début mitigé, s’avère très drôle. Pas seulement grâce à ses références et leur utilisation, mais surtout car les auteurs ont énormément de bonnes idées, et arrivent régulièrement à nous sortir des gags et des répliques aussi inattendues que percutantes, qui m’ont fait à plusieurs reprises hurler de rire comme rarement ; tout le passage dans les marais est pour le moins savoureux, avec une explication magistrale à cette question existentielle : pourquoi les Français mangent-ils des grenouilles ?
Grâce à son univers décalé et son humour efficace, Rolqwir est une agréable surprise puisque ses auteurs semblent revenus à leur meilleur niveau ; je suis dores et déjà impatient de lire la suite. Ceux qui ont aimé Sentai School devrait trouver leur bonheur avec cette série, et je ne peux que recommander à ceux qui ne connaissent pas encore Philippe Cardona & Florence Torta de les découvrir grâce à cet album.