Il est pas trop tard... Je connais plein d'endroits où l'homme blanc n'a jamais mis les pieds.
Ayant adoré le film éponyme de 1962 avec Kirk Douglas, je craignais que la lecture de Seuls sont les indomptés en BD n'apporte pas grand-chose de plus à l'histoire de Jack W. Burns, cow-boy des années 50 en total décalage avec la société de l'époque, ses routes goudronnées, ses barbelés et ses formalités administratives. J'avais tort sur toute la ligne tant cette adaptation se suffit à elle-même, offrant une relecture évidemment très proche de l'œuvre d'origine (le roman d'Edward Abbey, qu'il faudra que je lise !) tout en affirmant une identité bien marquée et particulièrement séduisante.
Cela est dû en partie à l'excellent travail d'adaptation de Max de Radiguès, qui parvient à faire tenir en 170 pages un bouquin deux fois plus volumineux grâce à une remarquable économie de mots, les dialogues ciselés alternant avec de longues séquences muettes qui laissent le dessin « parler ». Le dessin, justement, signé Hugo Piette, est une merveille : les personnages, dessinés à grands traits, dégagent pourtant des expressions très réussies ; et les paysages désertiques du Nouveau-Mexique sont admirablement restitués. L'utilisation des couleurs, enfin, est parfaite : aux tons sombres des scènes nocturnes succèdent les bleus, jaunes et oranges éclatants du jour. Un régal pour les yeux comme pour l'esprit !
Impossible, donc, de ne pas sortir enthousiaste d'une telle lecture, de cette quête de liberté d'un cow-boy romantique né un siècle trop tard, broyé par l'absurdité d'une modernité certes galopante, mais pas à cheval... Bénéficiant d'une réalisation à la hauteur de l'ambition de départ du duo belge, Seuls sont les indomptés est sans conteste un des meilleurs one-shots de l'année.