La Main au collet est la preuve indiscutable qu'autrefois, la Côte d'Azur n'était pas bétonnée... Qui l'eut cru ? Tourné durant l'été 1954, le vingtième film américain d'Alfred Hitchcock, qui s'ouvre sur une vitrine publicitaire vantant les charmes de la Riviera, ne trompe jamais sur la marchandise. De Cannes (l'hôtel Carlton sur la Croisette) à Monaco (la route de la Corniche surplombant le port) en passant par Nice (l'hôtel Negresco sur la promenade des Anglais, le marché aux fleurs), Èze, le pittoresque village de Saint-Jeannet et les luxueuses villas disséminées un peu partout dans l'arrière-pays, la beauté exquise de ces paysages naturels et urbains est sublimée par une photographie lumineuse et colorée. Cadrée sous tous les angles, et même d'hélicoptère, la French Riviera tant aimée du réalisateur - entrevue en noir et blanc dans l'incipit monégasque de Rebecca (1940) - est ici plus qu'un simple décor : c'est, presque autant que Cary Grant et Grace Kelly, une star du film. Je comprends maintenant pourquoi, dans l'imaginaire collectif de millions de touristes du monde entier, cette portion de littoral aujourd'hui salement défiguré continue à incarner l'alliance parfaite entre la beauté de la nature et le bon goût de l'homme. Et s'il ne fallait juger que de la qualité des images, To Catch a Thief serait assurément l'un des plus éminents chefs-d'œuvre du maestro Hitchcock.
Il n'en est rien, même si l'histoire est sympa : John Robie, dit "le Chat", est un ancien cambrioleur qui coule des jours heureux à tailler les rosiers de sa superbe baraque de l'arrière-pays. Rangé depuis quinze ans, il est sorti de sa retraite par l'apparition inopportune d'un copycat (en anglais, ceci est un jeu de mots...) visant le même type de pigeons et usant du même modus operandi. Robie est logiquement suspecté par la police française, mais aussi par ses anciens compagnons d'armes dans la Résistance, qui l'accusent de faire son beurre en solo. Afin de se disculper, il n'a donc d'autre choix que d'attraper lui-même le nouveau "Chat". Avec l'aide d'un agent d'assurances, il entame donc sa petite enquête en approchant des victimes potentielles du voleur. Il fait ainsi la connaissance d'une Américaine pleine aux as et de sa sublime fille Francie, dont il s'éprend, et qui finit par le démasquer...
Même si, selon les goûts de chacun, Grace Kelly en beauté froide cachant un tempérament de feu et Cary Grant en vieux beau bien conservé sont de véritables enchantements pour les yeux, il manque à ce film un soupçon d'âme pour être vraiment palpitant. La faute à une intrigue un peu légère, à certaines scènes (vers le dernier tiers) trop vite expédiées, et à un manque constant de tension dramatique. Oscillant sans cesse entre la romance et l'enquête, La Main au collet ne choisit jamais vraiment. S'il n'égale donc pas les grands chefs-d'œuvre passés et à venir du Maître du suspense, il constitue néanmoins un divertissement de très, très bonne qualité. J'en retiens aussi, enfin, cette scène tristement prémonitoire de Grace Kelly roulant à tombeau ouvert dans les lacets de la D37...