Coup de coeur en BD jeunesse, cette Bd américaine traite à la fois de la différence, de l'estime de soi, de sororité, de contre-stéréotypes, d'amitié et de deuil.
Victoria et Katia sont des soeurs originaires de la campagne qui font leur entrée dans un pensionnat. Pour l'aînée, c'est l'occasion rêvé de vivre autre chose et de se faire des amis, mais malgré tout son bon vouloir et sa propention au conformisme, sa maladresse et son peu de confiance en elle-même en font une proie facile pour les moqueries. Au contraire, Katia, boule d'énergie créative fièrement indépendante, assume pleinement sa façon d'être et suit son propre code de conduite sans se soucier de l'avis des autres. Pour cette raison, elle n'aime pas que sa soeur tente sans cesse de la faire "rentrer dans le moule", notamment lorsqu'elle l'inscrit en cachette à l'orchestre de leur école. En parallèle, un obscure pratiquant de l'occulte vivant, sous le cimetière jouxtant l'école des deux filles, utilise un procédé odieux afin de faire survivre son fils. Ce dernier s'est lié d'amitié avec un petit et jeune fantôme qui adore danser, mais qui est bien trop gentil et poli pour être accepté par les autres fantômes. Tout ce petit monde sera appelé à se croiser, mais tous n'en sortiront pas vivants...enfin, façon de parler.
Il y a des tas de petits points intéressants dans cette BD. On notera la présence de divers ethnies chez les élèves; un antagoniste "papa poule" qui a du mal à faire son deuil de son enfant condamné à mourir et qui verse même dans les chansons pour enfants; le fantôme d'un garçon super sympathique et qui aime danser; Katia, un sacré numéro à elle seule avec ses sandwichs enroulés, son sac-à-dos en forme de piano , son look de sauvageonne et sa manière passionnée ( pour ne par dire démente) de jouer le piano, et finalement une bande de fantômes hétéroclite ( avez-vous vu la ballerine?). On peut dire qu'il a de la fraicheur dans tout ça et une certaine folie.
C'est une BD pertinente qui aborde plusieurs thèmes, comme je l'ai mentionné précédemment. On notera la différence notable de tempérament des soeurs, mais leur lien est solide, ce que j'ai beaucoup aimé. On peut tout-à-fait être dissemblables et avoir une bonne relation malgré tout ( oui, bon, cela n'empêche pas de ne pas toujours être d'accord, mais ça c'est normal). Bien sur, Victoria devra apprendre à se faire confiance et accepter que Katia, elle-même très sur d'elle, n'a pas les mêmes besoins de conformité qu'elle. C'est ce qu'on appelle "faire de la projection". C'est en réalité Victoria qui a bien besoin de s'accepter elle-même. Ensuite, on aborde le deuil un peu de biais avec Nicolas, qui est prêt a sacrifier des enfants pour prolonger la vie de Mael, qu'on devine éternellement mourant. Nicola n'accepte pas que Mael va mourir, même si le garçon semble prêt ( d'autant qu'il n'est pas d'accord de voler des vies pour prolonger temporairement la sienne). Mael, en ce sens, est donc un personnage très courageux et doté d'une morale fondamentalement altruiste. Petit fantôme, ah, ce personnage tout mignon! Lui aussi très courageux, il fait la paire avec Mael, car il est gentil, protecteur, doux et même amusant. Difficile de faire plus adorable. C'est aussi un contre-stéréotype, car il est à l'opposé des autres de son espèce, tous assez tapageurs, casse-pieds et grossiers.Il me rappelle le fantôme "Casper".De manière général, les personnages détonnent de leurs contemporains et c,est ce qui les lies, au final.
On a donc de bons thèmes, dont certains profonds, avec des personnages forts distrayants et attachants, dans un scénario qui ne connait aucun essoufflement. Ce peut sembler "gentillet", mais gardons en tête que c'est pour la jeunesse et que le simple fait d'un méchant qui tue des enfants et la présence des fantômes en fait déjà une histoire "horrifiante". Arriver à calibrer ses deux antipodes est d'ailleurs en soi un exploit.
J'ai aussi aimé le dessin, anguleux, simple, un peu cartoon, avec des jeux de couleurs en peinture à l'eau à la palette changeante. On notera le changement de nuancier entre les rouges, les bleus et les verts, ainsi que des contrastes forts entres couleurs vives et couleurs pâles ( translucides même).
Une belle réussite qui mérite un coup de cœur.
Je vous invite à lire une série du même style et format, de l'autrice canadienne Molly Knox Ostertag, "Le garçon sorcière" qui est également excellente.