The Order of the Stick par NotQuiteDead

S'il est une chose amusante avec les processus de création quels qu'ils soient, c'est bien de constater comment ils s'arrangent parfois pour échapper à leur auteur et prendre des chemins tout à fait inattendus. C'est probablement ce qui est arrivé à Rich Burlew, l'auteur de the Order of the Stick, qui est sans contredit mon ouebcomic préféré à l'heure actuelle.

Initialement, the Order of the Stick, c'est bien peu de choses.

Le fond? Une enfilade de gags portant sur le système de règles de Donjons et Dragons (l'édition 3.5, sauf erreur, mais je ne suis pas spécialiste).

La forme? Des personnages en bâtonnets (en anglais stick figures) à peine plus évolué que ceux que produisent les cancres de fond de classe pour meubler les marges de leur fundamentum de mathématiques. Le décor consiste quant à lui en un couloir de donjon réduit à sa plus simple expression: une ligne.

Les chances pour qu'une BD aussi rudimentaire, avec un thème aussi abscons et un lectorat aussi réduit survive au-delà de quelques mois étaient a priori plutôt faibles. En effet, même si les rôlistes sont prêts à lire à peu près n'importe quoi, il y avait, sur ce thème précis, passablement de concurrence, généralement servie par une mise en forme plus accrocheuse.

Mais the Order of the Stick est rapidement devenu bien plus qu'un conglomérat de gags obscurs au commun des mortels. Le ouebcomic a bientôt, si l'on ose s'exprimer ainsi, gagné en épaisseur de sorte que, même si la terre pouvait, de prime abord, paraître stérile, le grain a rapidement donné du fruit. D'inexistante, l'intrigue s'est, au fil des pages, faite épopée, avec tout un réseau de récits secondaires voire tertiaires (souvent au grand dam des personnages eux-mêmes) qui s'entrecroisent avec maestria dans un monde (c'est un classique du genre) au bord du gouffre.

De simples archétypes, les six protagonistes se sont étoffés pour devenir des personnages à part entière, dotés d'un solide background, mais aussi d'une personnalité plus fine qu'il n'y paraît tout d'abord... et il est en définitive étonnant de voir comment quelques bêtes traits sur photoshop peuvent non seulement vous amuser ou vous arracher un sourire, mais vous laisser songeur voire même vous émouvoir.

Les rôlistes purs et durs trouveront encore, çà et là, du grain à moudre ainsi qu'un moulin où procéder sur le forum dédié... mais les gens normaux (pour peu qu'ils soient un peu versés dans la langue de Shakespeare, c'est hélas un prérequis) liront avec plaisir et profit ce récit fort bien mené.

Et ils pourront se poser de vraies questions: Roy pourra-t-il rabattre le caquet de son dédaigneux paternel? Vaarsuvius divorcera-t-il/elle ou non? Que diable fait cette planète bleue dans la déchirure du Snarl? Le Monstre dans les Ténèbres sortira-t-il un jour du placard?

Monsieur Burlew, merci. Et chapeau bas.