Tokimeki Tonight
6.7
Tokimeki Tonight

Manga de Koi Ikeno (1982)

Par les puissants hasards des recommandations aléatoires de Youtube, je suis tombé sur un générique de fin de dessin animé rétro assez hallucinant. La page de la vidéo est en caractères japonais, donc illisible pour moi sans opération google ou autre. Je lance tout de même la vidéo et j'ai droit à une chanson glamour où je finis par repérer quelques mots d'anglais "Super Love Potion".
Le fond est noir et on voit danser une jeune fille naïve et coquine aux grands yeux et aux cheveux bleus. Elle porte une cape noire, mais l'intérieur de la cape est rouge. Elle prend des poses séductrices en faisant bouger sa cape et on devine qu'elle est nue sous la cape. C'est l'époque décomplexée sur la sexualité des jeunes, ça ne passerait plus aujourd'hui, mais heureusement le corps est à peine aperçu et surtout asexué, pas de traits, pas de détail, sauf pour les jambes et les pieds. Le truc hypnotique de ce générique de fin, ce n'est pas ce truc malsain, mais d'une part le retour de la phrase "Super Love Potion" qui a un effet magique assez carton et d'autre part le fait que la fille sorte sur la droite de l'écran déroule une danse en animation assez "cheap" où elle bouge essentiellement les mains, elle se retourne sur son autre profil, assez soudainement faut dire et repart dans l'autre sens, mais on a aussi les gros plans sur les mains seules, toujours une apparition par la droite de l'écran avec la main puis les mains. Puis on a des billes rondes ou sortes de gouttelettes en phase avec le titre anglais du générique qui passent entre les doigts ou sortent des cheveux. Alors, ça change parfois de côté pour l'apparition et on a la main poing fermée qui joue avec une goutte de potion, et l'index se déplie, se tend et dessine une courbe qui remonte fémininement en propulsant la petite bille bleue.
Je vous mets le lien, tant qu'il est consultable.


Générique de fin Super Love Potion


Inévitablement, j'ai voulu comprendre de quoi il retournait et en deux secondes ma recherche m'a amené à la série Tokimeki Tonight qui est l'adaptation en 82 et 83 en 34 épisodes du manga dont cette critique est censée rendre compte. Bon, évidemment, j'ai triché, je n'ai jamais lu le manga, je n'ai pas encore fait de recherche pour en trouver une image et c'est l'animé que je cherchais sur Sens Critique, mais il ne semble pas y avoir de fiche pour lui. Le manga fait plus de trente tomes et ne s'est arrêté qu'au milieu des années 90, mais il n'est pas connu en France. L'animé non plus n'a pas été diffusé en France. Du coup, j'ai regardé quelques épisodes sous-titrés en anglais et qui sont actuellement disponibles sur Youtube.


Je vous conseille de consulter mon premier lien avant de lire la suite. Je ne vais pas spoiler, parce qu'on apprend de quoi il retourne dès le début du premier épisode, mais moi mon cheminement cela a été de passer du générique de fin à la découverte de l'animé par son premier épisode. Dans le générique du fin, j'ai identifié un personnage principal, puis après la seconde partie du générique j'ai eu une galerie d'autres personnages où j'ai deviné la présence d'une famille, de collègues et d'antagonistes, du moins une fille rivale de notre héroïne. La cape m'a fait penser à un truc et je n'ai pas eu tort, mais j'ai pas deviné le tableau exact.
Donc, voici. L'héroïne est une jeune fille au lycée au Japon. Elle a un petit frère et bien sûr un père et une mère. La mère est un loup-garou qui fait une scène à son mari en début de premier épisode sous la pleine Lune et le mari est en fait un vampire. Les deux enfants ont l'air d'humains ordinaires. Pour le jeune frère, c'est normal, il est encore trop jeune, mais pour la fille les parents sont inquiets, elle tarde à révéler ses pouvoirs. On pourrait croire que la série va jouer là-dessus, mais pas du tout. Elle hérite d'un certain pouvoir dans le premier épisode. Donc son père est un vampire, donc il a les dents pour sucer le sang de ses victimes, mais c'est une bonne pâte humaine visiblement, et il a pour singularité de se transformer en parapluie. La mère se transforme de manière incontrôlable en loup-garou quand elle voit la pleine Lune, mais la transformation commence par les oreilles et semble facilement s'arrêter si on l'empêche de rester exposée à la Pleine Lune. Toutefois, elle a un comportement tyrannique, s'emporte facilement et a des ambitions pour sa fille qui, évidemment, a interdiction de tomber amoureuse d'un humain. Cela fait un peu penser à la série Ma sorcière bien-aimée, sauf que toute la famille est démoniaque et ils doivent le cacher aux gens qui viennent chez eux, et c'est la jeune fille dans la maison qui est un peu le démon qui vivant parmi les humains tombe amoureuse d'un élève de sa classe, un voyou qui fait de la boxe mais qu'elle trouve très charmant et qui est nettement plus grand que les filles de la classe qui peuvent se le disputer. Des démons interviennent aussi dans l'histoire dont un prince qui est amoureux de l'héroïne.
Le pouvoir de l'héroïne qui se révèle, c'est que si elle mord quelqu'un celui-ci s'endort et elle prend son identité corporelle. Il y a donc d'un côté la personne endormie et de l'autre notre héroïne qui devient à son image et vit quelques péripéties dans un corps qui ne lui appartient pas. Et dans les premiers épisodes, elle commet l'erreur de se transformer en objet. Elle se transforme aussi en animaux, mais cela elle n'y renonce pas malgré les interdits.
Plus tard, on la voit aussi connaître la transformation intermédiaire en loup-garou avec les oreilles, la queue et les dents.
La série est donc une romance amoureuse avec tranche de vie, mais il y a des transformations, des intervenants aux pouvoirs particuliers, un peu de passage dans le monde démoniaque, etc. Mais, même rien qu'au plan des humains, la série vaut le détour. L'héroïne a un coup de foudre immédiat et loin des jeunes filles réservées et timides ici on a l'amoureuse fonceuse, type qu'on a dans certaines séries Dragon Ball ou Ranma 1/2, mais là on n'a pas du tout le truc dominant actuel de la fille qui cache ses sentiments et on a une histoire de rivalité entre deux filles qui se disputent ouvertement le beau gosse de la classe. Rumiko Takahashi écrivait déjà le manga à succès Urusei Yatsura à l'époque (Lamu pour l'animé en français qui a suivi), mais une influence de Tokimeki Tonight sur Ranma 1/2 n'est pas impossible, même si c'est vraiment plus par touches qu'autre chose. Par exemple, l'héroïne et l'homme sur lequel elle flashe Makabe (le nom ne s'invente pas pour une oreille française) sont punis dans le couloir avec des seaux d'eau. Makabe est un boxeur et Rumiko Takahashi a lancé une série qu'elle a vite abandonné d'une romance où il est question de boxe. L'esprit des séries Urusei Yatsura et de Ranma 1/2 peut être rapproché de l'esprit de Tokimeki Tonight, si ce n'est que le scénario de Tokimeki Tonight est beaucoup plus basique et ne s'embarrasse guère de vraisemblance. Par exemple, le jeune frère pour son anniversaire a invité Makabe le boxeur qui l'élu de coeur de sa soeur, et pour empêcher un rapprochement deux autres membres de la classe de notre héroïne s'invitent à cet anniversaire. Le petit frère n'a invité personne de son âge et est très vite relayé au plan secondaire. L'autre différence, c'est que Rumiko Takahashi, comme elle l'a confié dans une interview récente postérieure à son prix d'Angoulême et en liaison avec l'édition des chapitres en couleur d'Urusei Yatsura, a imité une des gloires de Go Nagai d'avoir su inventé des personnages de profil gekiga qui sont à la fois efficaces dans l'humour et dans le récit plus adulte. Takahashi a amorcé l'évolution vers le manga moderne qui donne les profils de personnages actuels, même si elle fait beaucoup de gag manga et de caricature. Go Nagai avait encore un peu tendance à introduire des personnages très caricaturaux, mais effectivement il dessine le même profil de personnage que l'histoire soit bon enfant bon public ou sombre et même assez dure. Dans Tokimeki Tonight, nous sommes dans la survivance du charadesign d'une autre époque, celle des années 70, alors que l'animé que j'ai regardé est de 82-83, et on a beaucoup de mimiques caricaturales à l'ancienne. Au passage, les mimiques de la rivale Yoko m'ont fait penser à pas mal de dessins de Krilin dans Dragon Ball.
C'est savoureux. Même si vous êtes réfractaires aux dessins anciens, vous y gagnez une héroïne parfois violente avec de mauvaises pensées (elle n'a pas les pensées les plus classes face à sa rivale, ni face à sa famille, sa mère étant pire qu'elle (jusqu'à s'introduire dans ses rêves et faire des scènes), mais en plus son petit copain est derrière la porte et je crois qu'elle ne dit que s'il ne vient pas elle le frappera, et elle s'imagine le taper en donnant des coups en l'air (et bam et bam et encore bam et rebam, elle est à bloc, quoi ?, avec sa rivale, elle tape du pied, elles se tapent dessus, etc.). Sa première rencontre avec Makabe, je vous laisse apprécier le coup de foudre, il lui a tapé dans l'oeil dans tous les sens, super comique.
Ce petit côté survolté est séduisant, mais on a droit aussi à ces dessins caricaturaux à l'ancienne qui ont vraiment du cachet, de l'efficacité. On retrouve un peu des bases à la Osamu Tezuka, des dessins qu'on a encore dans les premiers tomes de Dragon Ball, qu'on a pas mal de fois dans City Hunter, etc., mais plus vraiment aujourd'hui, sauf en mode chibi un peu facile et moins efficace car moins drôle. On a des dessins de profil avec des regards pincés sournois qui s'allongent, la bouche qui s'allonge aussi. On a plein d'expressions faciales de folie. On a aussi de la mise en scène de ce registre caricatural. Par exemple, les deux rivales sont autour d'un poteau. L'héroïne principale veut se dérober, ne rien dire et donc elle tourne en fuyant autour du poteau, sa rivale jouissant de la torture de son petit interrogatoire. On a une série de dessins savoureux des visages, du mouvement, puis l'héroïne s'enfuit et là sur un plan plus large on a le gag sur sa rivale, il s'est passé un truc pendant qu'elles tournaient autour du poteau.
J'ai aussi noté des trucs d'époque qu'on retrouve dans des séries actuelles. Par exemple, dans la série Dorohedoro sortie en 2020 même, on a un mouvement horizontal de l'image pour montrer quelqu'un qui frappe à la porte et entre, pour montrer la personne qui l'accueille et puis au bout de l'image on a la table, tout ça en un mouvement horizontal, au lieu d'avoir un truc réaliste de champ / contre-champ et une disposition non alignée mais normale d'intérieur de maison. On a exactement le même mouvement horizontal aligné irréaliste pour l'intérieur de la maison de nos vampires et loups-garous dans l'un des premiers épisodes au moins de Tokimeki Tonight. D'ailleurs, le générique du fin qui joue à briser le quatrième mur avec le regard de l'héroïne et surtout avec les sorties sur la droite ou la gauche de l'écran, c'est un rappel des codes du début du cinéma, des premiers films de Charlie Chaplin où les sorties à droite ou à gauche étaient très étudiées pour la liaison des scènes, la symbolique et les effets de surprise. Un autre truc, dans les séries actuelles, et je pense à Dorohedoro, à Puella Magi Madoka Magica pour ne citer que trucs tout récents, mais j'en aurais d'autres à citer en fait, on a des dessins qui ne sont pas des dessins habituels pour de l'animé, on a comme un insert de collages, parfois de photos, etc. Or, cette esthétique existe en moins contrasté dans les épisodes de Tokimeki Tonight où on a des débuts d'épisode avec la maison, des branches d'arbre au premier plan ou une grille, tout ceci dessiné non pas dans l'esprit de l'animé lui-même, mais dans un esprit décalé de dessin d'enfant qu'on insère dans l'intro de la série, ou de dessin d'adulte dans des livres pour enfants...
Bref, cela m'a intéressé à la fois. L'humour et le dynamisme de la série ont quelque peu mal vieillis, mais il y a quand même des caractères rafraîchissants, des expressions faciales saisissantes avec de bonnes idées esthétiques, parfois les gags sont excellents, on a l'héroïne qui dit "Votre Grandeur" ("Highness" en anglais) au prince démon sous le regard espion de la rivale humaine qui espère ainsi l'éloigner de Makabe. On a l'étonnement pour l'expression, elle ne comprend pas que sa rivale parle à un démon et enfin il y a la conviction jouissive que sa rivale joue sur deux tableaux et s'éloigne finalement de Makabe. La transformation en balle de baseball est scotchante elle aussi. J'aimerais commenter l'esthétique du manga et l'évaluer lui-même. J'en profite d'ailleurs pour dire que d'autres séries anciennes m'intéressent, tant en animés qu'en mangas. Plein de motifs d'auteurs plus récents sont des clins d'oeil à des oeuvres qui nous sont parfaitement inconnues.

davidson
6
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Créée

le 28 juin 2020

Critique lue 253 fois

davidson

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