Avertissement : cet ouvrage s'adresse plutôt à des gens qui ont déjà lu un peu de SF (de la vraie, pas StarWars), pour les autres, je conseille de plutôt lire le tome 2 pour commencer.
Avant de rentrer plus en détail dans la critique, parlons brièvement de la technologie et de son rapport ambigu avec les histoires. Les observateurs classiques l'ont toujours méprisée avec raison dès lors que la technologie était l'objet principal du récit, Jules Verne pourrait être accusé de ce travers. Il y a enjeu si la technologie peut avoir un impact politique (on pense au télécran dans 1984), de ce point de vue Transmetropolitan est une réussite, jamais la technologie n'est traitée si ce n'est par le biais de ses conséquences. Plus globalement, il faut plus chanter les louanges des oeuvres qui surveillent la technologie car rien, à mon sens, n'a ou n'aura autant d'impact sur nos vies que la technologie (ni la politique, la religion ou l'art et croyez-moi cela m'attriste autant que vous).
"Ceux qui ne se souviennent du passé sont condamnés à le revivre" disait Marx, pourtant à travers Transmetropolitan, on s'aperçoit qu'on arrive à un nouveau moment de l'aventure humaine : ce moment où cela n'a plus vraiment d'importance, en effet, les gens étant immortels, ils sont libres de revivre encore et encore leur passé ou de stagner dans leur présent.
De ce point de vue, je m'interroge sur l'ennui, comme principal moteur existentiel, car en effet comme interpréter ce florilège de revendications existentielles qui émaillent le récit, tant pis si ces expériences sont répétitives si elles servent à assouvir les besoins d'une âme que notre journaliste tente d'explorer.
L'histoire de cette femme qui vient du passé pour explorer cette société future en est le témoignage le plus touchant dans des Lendemains de Glace alors qu'au contraire, d'autres veulent à tout prix quitter cette même société sans future (No future, les punks les mecs ! ) dans Lâchés dans la nature.
L'impérialisme est également abordé par le subtil biais de la linguistique (l'anglais obligatoire en France)
Plus que jamais, nos corps (enveloppe?) ne nous limitent plus et Transmetropolitan s'amuse à voir tout ce qui serait possible au-delà de cette frontière.
Mais toutes ces considérations technologiques seraient bien fades sans notre héros, car outre un récit d'anticipation, Transmetropolitan se trouve être pertinente et percutante par le biais de son héros Spider Jerusalem.
Spider Jerusalem, le héros des temps futurs !
Spider Jerusalem est l'être le plus sensible que je connaisse car par mimétisme il est d'une violence à l'image d'une société telle qu'elle est désormais présentée par les médias, en effet là où les médias en bons gardiens du pouvoir affichaient jadis une réalité sous contrôle, ils chassent aujourd'hui la violence sur l'autel de l'audimat, indicateur ultime du rendement économique ce qui permet de pouvoir garder la population tétanisée et à même d'avaler n'importe quel discours sécuritaire.
Si l'on considère que l'éducation scolaire est un long chemin pour perdre sa sensibilité, alors la jeunesse exclue est d'une sensibilité similaire à celle de Spider et exp(l)ose donc une violence parfaitement symétrique. Si un seul journaliste en France aujourd'hui avait le quart de la morgue de Spider Jerusalem, notre pays serait sauvé (en admettant bien sûr qu'il soit menacé), Spider est virulent, acide, agressif, outrageant et enragé et bon dieu, parfois ça fait du bien de voir qu'il existe encore des gens révoltés.
Transmetropolitan est une oeuvre riche car elle aborde de nombreuses thématiques même si elle reste américaine (la religion et les choix de vie l'emporte face aux choix politiques), il manque un peu le biais qu'on pourrait retrouver dans cette citation de Malcolm X : "Si vous n’êtes pas vigilants, les médias arriveront à vous faire détester les gens opprimés et aimer ceux qui les oppriment."