L’association entre Gilles Rochier et Daniel Casanave me paraissait improbable. Si j’apprécie les deux auteurs, je les imaginais mal ensemble. Quelle erreur ! Le premier signe un scénario des plus originaux : raconter une histoire à partir de on-dit. Casanave dessine alors toute une galerie de personnages d’une bourgade qui discutent d’un fait divers… Le tout pèse 80 pages et est publié chez Warum.


Quel bel ouvrage ! S’il est incontestablement expérimental dans sa narration, « Tu sais ce qu’on raconte » est également très accessible. Bien sûr, on se récupère que des bribes de conversation, qui construisent peu à peu l’histoire.


Le point de départ est simple : le fils Gabory est revenu prendre un café. De là, les événements s’enchaînent : pourquoi est-il revenu ? Peu à peu, on découvrir son histoire, sa famille, les raisons de son départ… Et les vieilles rancunes surgissent : et si le môme était venu se venger ?
La multitude des personnages permet de dynamiser la narration. Certains savent des choses, d’autres questionnent… Le tout rebondit de case en case et happe le lecteur. À force de ressasser le passé, une nouvelle histoire surgit, dans le présent cette fois-ci. Ainsi, on découvre à la fois le passé du fils Gabory, mais on suit son retour…


On ne va pas se le cacher : quand on ferme l’ouvrage, on s’attendait à une fin plus percutante (quoique…). Une petite pirouette supplémentaire pour atteindre le nirvana des ouvrages conceptuels ? Malgré tout, la fin du livre suffit à combler nos désirs et fait de l’ouvrage une indéniable réussite, tant dans le concept que dans sa réalisation concrète.


Daniel Casanave avait la lourde tâche de dessiner ce livre original, où les personnages récurrents restent des anonymes que l’on voit trois ou quatre fois dans l’ouvrage. Il fallait donner vie aux personnages, même, en les voyant peu. C’est plutôt réussi. Son trait fait merveille pour dessiner une petite bourgade et ses habitants. Le choix du dessinateur est particulièrement pertinent ! La bichromie est bien utilisée et met en valeur son trait dynamique.


« Tu sais ce qu’on raconte » est un beau bouquin, le genre que l’on pourrait citer en exemple de narration. Car si les racontars nous apprennent beaucoup de choses, il reste beaucoup de zones d’ombre et le fin mot de l’histoire ne sera pas révélé. Au lecteur, devenu habitant de la bourgade, de se faire son propre avis…

belzaran
8
Écrit par

Créée

le 22 févr. 2017

Critique lue 245 fois

5 j'aime

belzaran

Écrit par

Critique lue 245 fois

5

D'autres avis sur Tu sais ce qu'on raconte...

Tu sais ce qu'on raconte...
Masataka_Ishii
6

Critique de Tu sais ce qu'on raconte... par Masataka_Ishii

Au scénario Gilles Rochier, qui est l’auteur de Ta mère la pute, qui a reçu le prix révélation Angoulème 2012. Au dessin Daniel Casavane qui est connu pour ses nombreuses adaptations de classique de...

le 1 mars 2017

Du même critique

Le Chemisier
belzaran
4

Quelle vacuité !

Avec le scandale de « Petit Paul » et ses accusations d’être un ouvrage pédopornographique, on aurait presque oublié qu’au même moment ou presque Bastien Vivès publiait « Le chemisier ». Ce roman...

le 22 févr. 2019

38 j'aime

L'Âge d'or, tome 2
belzaran
7

Une impression d'inachevé

Le premier tome de « L’âge d’or » avait impressionné par son dessin, notamment par ses grandes illustrations façon tapisseries médiévales. Racontant un récit initiatique somme toute classique, ce...

le 24 févr. 2021

24 j'aime

1