Not any Moore
Cette fois, c'est la dernière, j'en peux plus moi, votre dégénéré barbu végétarien que vous idolâtrez comme c'est pas permis, je vous le laisse, étouffez-vous avec si vous voulez, mais arrêtez une...
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le 29 juin 2012
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Je suis en train de taper quelques premiers paragraphes d'une critique que je ne parviendrais probablement pas à terminer sur le clavier de mon ordinateur. Nous sommes le 18 octobre 2019. Il est 10h23.
En 2013, un ami me tend un exemplaire de Watchmen et accepte de me le prêter. Il s'agit d'une édition récente traduite en français.
Ma première lecture achevée, je ferme le comics en me disant que Zack Snyder, en dehors de la résolution du plan d'Ozymandias, avait fait une adaptation ultra fidèle du roman graphique. Cette perception s'est relativisée au fur et à mesure que ma seconde lecture progressait.
Si certaines choses n'apparaissent pas dans le film (je pense notamment au personnage du détective ou au fait que l'importance accordée au psychiatre soit moindre par rapport au roman graphique), Zack Snyder ajoute son petit grain de sel avec, par exemple, les répliques "If only you could perceive time as I do", "I feel fear for the last time" ou encore "men get arrested.. dogs get put down!". Un échange mutuel se dessine entre l'œuvre originale et son adaptation.
Le 18 octobre 2019, à 04h51 du matin, l'idée d'écrire une critique sur le roman graphique culte d'Alan Moore et de Dave Gibbons, que je suis actuellement en train de relire, en reprenant la structure du chapitre IV Watchmaker me frappe et m'empêche de retrouver le sommeil.
En 2012 maintenant, la chanson The Times They Are a-Changin' de Bob Dylan me parvient aux oreilles et accompagne le générique d'introduction d'un film de super-héros intitulé Watchmen que je découvre pour la première fois.
A présent, des gouttes de pluie tombent sur le velux de ma chambre. Le son de leur impact sur la vitre m'apaise tandis que je finalise la rédaction de cette critique qui s'est muée, au fur et à mesure, en exercice de style. L'horloge indique 11h25.
A la surprise générale, la chaîne HBO annonce en fin d'année 2017 son projet de série qui s'inscrirait dans l'univers du comics culte. Le pari de lui donner une suite est très risqué mais me donne l'envie de me replonger de nouveau dans la lecture de ce dernier.
Au cours du mois de mai 2019, je mets la main sur la version Ultimate cut du film sorti dix ans plus tôt : celle-ci comprend des séquences animées qui relatent les mésaventures d'un marin naufragé et personnage principal de Tales of the Black Freighter. Si la mise en abîme consistant à proposer un comics dans un comics est appréciable sur le papier, elle perd de son mordant une fois portée à l'écran. Tout n'est pas adaptable.
Le 17 octobre 2019, l'ironie de la réplique du Dr. Manhattan adressée à Laurie Juspeczyk dans le chapitre IX The Darkness of Mere Being "my red world here means more to me than your blue one" me pousse à me pencher sur le symbolisme de ces deux couleurs. Qui sait ? Peut-être que je pourrais partager le fruit de mes recherches dans une critique ?
Début avril 2019, je découvre la première bande annonce de Joker et, à la vue du plan de la larme bleue, la voix caverneuse de Rorschach résonne dans mon esprit : "but doctor... I'm Pagliacci".
Vendredi 18 octobre 2019, je parcours rapidement dans le RER les critiques postées sur Senscritique afin de m'assurer que personne d'autre n'avait eu l'idée de rédiger une critique de la même manière que celle que je m'apprêtais à mettre en œuvre, par peur de plagier. Il est 11h53.
Il n'est pas encore 05h00 et je n'arrive plus à dormir.
La pluie continue de tomber inlassablement.
Et si la traduction française du titre de l'œuvre d'Alan Moore était erronée ? Les Gardiens. En soit l'idée est sous-entendue avec la question who watches the Watchmen? mais le nom du groupe Minute Men tend à interpréter le titre différemment : les Hommes-Montre ? Un nom un peu grotesque, j'en conviens, cependant, étant donné l'importance des horloges et du temps dans l'histoire, il ne me semble pas totalement hors de propos.
La couleur rouge est utilisée pour symboliser aussi bien la vie, le feu, l'interdit, la détresse, l'amour et la mort mais elle "est par excellence la couleur de la planète Mars".
Au cours de ma seconde lecture, en anglais cette fois, je réalise à quel point le personnage du Comédien et du Joker sont similaires à certains niveaux. La réplique de Rorschach "no one else saw the joke. That's why he was lonely" est particulièrement pertinente sur ce point.
Mercredi 16 octobre 2019, j'achève la lecture du chapitre VI The Abyss Gazes Also et réalise que les chapitres-portraits sont les plus saisissants en termes de narration et illustrent la complexité des protagonistes principaux.
Le 18 octobre 2019, à 05h24, malgré mes efforts pour me rendormir, je retourne dans ma tête différentes pistes à développer et tente d'établir une chronologie en lien avec Watchmen de ma propre existence, en essayant de dégager quelques grandes dates qui constitueront le puzzle qu'est ce papier. Le titre Movies de Weyes Blood ne cesse de me revenir à l'esprit et m'accompagne dans ma dérive matinale.
Par ma fenêtre, je regarde les gouttes tombées à un rythme irrégulier de la toiture du petit abri à bois qui se trouve au fond de mon jardin.
Très vite, le personnage de Rorschach attise ma curiosité. Je suis installé devant mon écran de télévision et je suis sur le point de découvrir les origines du Dr. Manhattan.
Le 12 octobre 2019, je me replonge dans la lecture de Watchmen que je me suis procuré la veille lors d'une sortie sur Paris, accompagnée par une amie. Une fois sortis de la librairie, nous nous sommes dirigés vers le jardin du Luxembourg.
Selon l'Encyclopédie des Symboles de Michel Cazenave, le bleu "est une couleur froide, au contraire du rouge, et elle incite les hommes à la réflexion. La psychanalyse l'associe à un état de détachement de l'âme, à un mode de vie doux, léger et supérieur". La définition indique également que, "dans le bouddhiste tibétain, le bleu est la couleur qui correspond à la sagesse transcendante, vairocana, qui s'est délivré de toutes ses illusions et qui atteint la vacuité".
A peine 24h après m'être enthousiasmé à l'idée de me lancer dans la rédaction de cette critique, le doute émerge quant à la pertinence de cette entreprise.
L'intempérie persiste. Le ciel est pâle. Une pureté étrange s'en dégage et la réplique "God is in the rain" tirée du film V pour Vendetta, autre adaptation cinématographique d'un autre roman graphique d'Alan Moore, resurgit de mon subconscient.
Outre le fait qu'ils partagent une vision similaire de la société et du monde dans lequel ils vivent, la balafre du Comédien n'est pas sans rappeler les cicatrices du Joker d'Heath Ledger dans The Dark Knight car elle vient lui étendre son sourire du côté droit ("and his scar... it always looked like he was sneering" dira Laurie sur Mars). Peut-être qu'au fond tout n'est qu'une blague. Peut-être qu'ils ont raison de rire.
En juin 2016, l'achat de Killing Joke inaugure ma modeste collection de comics et me permettra de mieux apprécier les jeux de narration graphique lors de ma seconde lecture de Watchmen.
Dans le métro qui me conduit à Place d'Italie, je poursuis la rédaction de ce casse-tête. J'arrive à Bercy.
L’averse pris fin et le silence se fût. Il est temps.
Créée
le 15 mars 2023
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