Cette bédé historique me laisse un peu perplexe. J’ai beaucoup aimé la forme, le dessin très sûr, mais me suis senti trop étouffé par un récit dense et confus, en dépit de l'indéniable mouvement qui chahute le destin du personnage principal.
Dans un premier temps, j’ai songé à Angélique, la Marquise des Anges ballottée par le sort qui s'acharne sur elle, à une espèce d'épopée où une femme est bringuebalée dans un maelström de l’Histoire du monde. Ici, on sort à peine de la première guerre mondiale, les feux du chaos ne sont pas encore tous éteints. La jolie Jelly est le jouet des révolutions, des complots des hommes. Comme un fétu de paille, elle voyage bien malgré elle à travers l’Europe, de l’Ukraine à l’Angleterre, en passant par Berlin et Paris, pour finir en Égypte. Au gré de ces aléas, Jelly est au cœur du fracas politique, religieux ou criminel de ces pays. Tout cela forme un mélange complexe, un méli-mélo trop chargé à mon goût.
Certes, le tempo est rapide, évitant l’ennui, mais l'argument historique ne fait pas bien son office d’ornement. Dans une sorte de pédagogisme de façade, trop évasif, il ne rend pas compte de la complexité des événements mais n'en éclaire pas non plus la trame : on suit le cours de l'aventure sans bien comprendre les tenants ni les aboutissants, évacués vite fait mal fait. Cela forme un mur opaque contre lequel le récit de heurte. À la fin, on ne sait pourquoi on a essayé de nous raconter cette histoire alambiquée.
Heureusement, le dessin fait preuve de vivacité, très saillant. Il me plait de suite, me rappelant peut-être celui de Tibet, avec le Ric Hochet de mon enfance. Il y a de la vie et en même temps une certaine élégance dans ce trait. Un peu de souplesse, très peu de rondeur, mais la violence du dessin concorde avec le récit éclaté, perturbé. Et puis, je le trouve beau dans sa simplicité et sa texture tellement classique.
Donc une bédé qui me laisse sur ma faim.
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