Titeuf ne connaît pas les tabous

Le gamin à la mèche est de retour. Et il pète la forme! Sur la couverture, il va carrément jusqu’à péter son pantalon, sous le regard hilare de Nadia et du reste de sa classe… Alors que l’album précédent de Titeuf était une histoire complète dans laquelle Zep imaginait le passage à l’adolescence de son célèbre petit héros, "A fond le slip!" revient à la formule magique de la série, à savoir une succession de gags à la fois tendres et corrosifs. Comme toujours, Titeuf se montre particulièrement attentif au monde qui l’entoure, en essayant vainement de comprendre pourquoi les adultes font des choses a priori dénuées de sens. Souvent, ses copains et lui croient trouver la solution… Mais en réalité, ils ne comprennent absolument rien. Ou alors complètement de travers. C’est ce décalage qui rend les gags de Titeuf aussi savoureux! Bien sûr, les personnages habituels sont fidèles au rendez-vous: son pote Manu, ses parents, sa petite soeur Zizie, sa copine Thérèse (qui n’est vraiment pas futée), sa vieille maîtresse d’école, ainsi que les deux femmes de sa vie: Nadia et Ramatou. Mais il n’y a pas qu’eux. Dans "A fond le slip!", Zep ajoute quelques personnages fameusement agités du bocal à sa galerie habituelle. Epinglons surtout Momo, qui n’a plus le droit de péter parce que ça offense le prophète, et Loïc l’illuminé, qui regarde tout le temps des vidéos où on apprend la vérité et qui est persuadé que le monde est dirigé par des lézards extra-terrestres et des types avec des triangles sur la tête. Au cas où vous en doutiez encore, Zep a bel et bien décidé de rire de tout!

Créé il y a déjà 25 ans, le personnage de Titeuf connaît depuis lors un incroyable succès, avec à la clé plusieurs dizaines de millions d’albums vendus, une série de dessins animés, un film d’animation et même des jeux vidéos. Face à un tel raz-de-marée, on aurait pu craindre que Zep, l’auteur de Titeuf, s’endorme sur ses lauriers, se retrouve à court d’inspiration ou verse dans la facilité. Mais il n’en est rien! En lisant ce quinzième album, on a l’impression que Zep a plus que jamais le feu sacré. Sans doute poussé par le succès de son blog "What a wonderful world!", dans lequel il décortique l’actualité pour le journal "Le Monde", l’auteur suisse n’hésite plus à aborder avec humour des sujets brûlants qui vont bien au-delà de la cour de récréation: les théories du complot, les pédophiles sur Internet, les fondamentalistes islamistes, les réfugiés, le terrorisme… "Les enfants ne s’interdisent pas un sujet parce qu’il est tabou", explique Zep. "Aujourd’hui, ils sont confrontés aux images de violence, de pornographie, aux propos racistes, d’appel à la haine… Il vaut mieux en parler, en rire, ne surtout pas en faire des tabous. Le tabou, c’est l’invention des adultes qui ont peur de l’intelligence des enfants." Cela dit, au-delà de cet aspect plus sérieux, il faut surtout retenir de ce nouveau "Titeuf" que c’est un album extrêmement drôle et inspiré, avec des gags qui font très souvent mouche. Une belle réussite donc, qui s’explique sans doute en partie par les parenthèses que s’offre Zep entre deux albums de Titeuf. Souvenons-nous par exemple du magnifique roman graphique "Un bruit étrange et beau", sorti l’an dernier chez Rue de Sèvres. D’ailleurs, son prochain projet sera à nouveau une BD plus adulte. Une manière pour lui de ne pas se laisser emporter par l’ouragan Titeuf.

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