L'Adèle et la Bête
Le film de Besson était mauvais, mais il a le mérite de m'avoir donné envie de découvrir le matériau d’origine, l'histoire et l'univers d'Adèle Blanc-Sec... Bon alors Tardi a une patte graphique...
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le 8 août 2015
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Avec Adèle et la Bête (1976), Jacques Tardi signe le premier tome des aventures rocambolesques d’Adèle Blanc-Sec, une héroïne aussi cynique qu’imprévisible. Imaginez Paris au début du XXe siècle, avec ses monuments emblématiques, ses ruelles pleines de mystères… et un ptérodactyle qui s’amuse à semer la terreur dans le ciel. Oui, vous avez bien lu. Tardi nous sert ici un cocktail détonant de polar, de fantastique, et d’humour noir, le tout porté par une héroïne qui n’a pas froid aux yeux (ni à la plume).
L’histoire s’ouvre sur une intrigue digne des meilleurs feuilletons : un œuf de ptérodactyle vieux de 135 millions d’années éclot, et la créature qui en sort décide de transformer Paris en sa volière personnelle. Pendant ce temps, Adèle, écrivaine sarcastique et détective à ses heures perdues, se retrouve embarquée dans un enchevêtrement d’intrigues mêlant savants fous, sociétés secrètes, et un soupçon de macabre. Ce mélange des genres, bien que parfois déroutant, donne une saveur unique à l’album.
Adèle Blanc-Sec est l’anti-héroïne par excellence. Fumant des clopes tout en roulant des yeux devant la bêtise humaine, elle se moque des conventions avec un aplomb qui la rend aussi agaçante qu’attachante. Loin d’être une aventurière intrépide, elle affronte les situations absurdes avec un mélange de pragmatisme et de mauvaise humeur qui fait tout son charme.
Visuellement, Tardi excelle à recréer une atmosphère parisienne à la fois réaliste et fantasmagorique. Les décors, détaillés à l’extrême, transportent le lecteur dans un Paris Belle Époque qui respire la nostalgie. Le trait, tout en noir et blanc, accentue l’ambiance sombre et mystérieuse du récit, tandis que les expressions exagérées des personnages apportent une touche de comédie presque grotesque.
Narrativement, Adèle et la Bête joue avec les codes du feuilleton et du fantastique, offrant une histoire qui oscille entre le polar noir et l’aventure loufoque. Tardi s’amuse à semer des pistes, à multiplier les personnages secondaires hauts en couleur, et à mélanger science, mysticisme, et absurde. Cependant, cette densité peut être un peu écrasante pour un premier tome, et certains éléments de l’intrigue manquent de clarté.
L’humour noir, omniprésent, est l’une des forces de l’album. Les répliques d’Adèle, pleines de sarcasme, font mouche, et les situations absurdes – un ptérodactyle qui survole Paris, un savant fou qui parle à son oiseau empaillé – ajoutent une légèreté bienvenue à un récit parfois un peu sombre.
Si Adèle et la Bête a un défaut, c’est peut-être son rythme inégal. L’intrigue, bien que captivante, a tendance à se perdre dans des digressions ou des sous-intrigues qui ralentissent l’action principale. Mais cette non-linéarité fait aussi partie du style de Tardi, et ceux qui apprécient les récits labyrinthiques y trouveront leur compte.
En résumé, Adèle et la Bête est une introduction audacieuse et décalée à l’univers d’Adèle Blanc-Sec. Jacques Tardi mélange avec brio polar, fantastique, et satire sociale, créant une œuvre qui ne ressemble à aucune autre. Entre un ptérodactyle grognon et une héroïne encore plus grognon, cet album est une aventure qui vaut le détour, ne serait-ce que pour le plaisir de voir Paris envahi par l’absurde. Un classique grinçant, idéal pour les amateurs de mystères et d’humour à la française.
Créée
le 18 déc. 2024
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