Will Eisner est grand, immense même : l'un artistes américains les plus importants pour avoir contribué sans doute plus que nul autre à la transformation des comics en un Art adulte. Mais cela ne veut pas dire que tous ses livres soient des chefs d'oeuvre... même si je n'en ai personnellement trouvé aucun de vraiment mauvais. "Affaires de Famille" est donc juste "bon", ce qui n'est pas si mal : sur un thème très convenu - les vilains secrets d'une famille et les lâches manoeuvres des uns et des autres au moment de se positionner pour hériter du père presque mourant, Eisner se révèle cette fois un tantinet fainéant, abandonnant pour un temps son extraordinaire travail sur l'espace urbain et intime, se contentant de situer ses personnages dans des taches de couleur. Et ne cherchant pas à élever son récit vers les sommets de la tragédie ou au contraire du ridicule, se contentant donc d'une chronique assez mesurée de l'horreur familiale. C'est un choix respectable, correspondant sans doute à un désir de réalisme qu'il veut implacable, mais on sort de cet "Affaires de Famille" un peu déçu, en dépit d'une fin assez maligne. Bref, chez un autre artiste qu'Eisner, on encenserait peut être la cruauté banale de cette BD : ici, pour le coup, on sait le maître capable de bouleversements émotionnels autrement plus intenses. Et plus originaux. [Critique écrite en 2016]