Alabaster par Ninesisters
Osamu Tezuka possède une carrière à la fois riche et fascinante. Pour s’en convaincre, il suffit de constater que les éditeurs arrivent encore à nous proposer des œuvres plus que valables, alors qu’il s’agit d’un auteur déjà très présent en France. Alabaster a beau nous arriver tardivement, cela n’enlève rien à ses qualités, lesquelles justifient amplement que nous nous y intéressions de plus près.
L’histoire serait celle d’un Comte de Monte-Cristo moderne, dans une version scientifique et encore plus macabre que l’originale. Là où Edmond Dantès utilise sa fortune pour se venger de ceux qui l’ont trahi, le personnage d’Alabaster privilégiera une invention diabolique pour s’en prendre à son propre ennemi : la beauté.
Avec Alabaster, et même si le manga a été publié dans un magazine « shônen », nous sommes plus que jamais dans la veine la plus sombre et fataliste d’Osamu Tezuka, à la manière du nihiliste MW. De nouveau, il choisit de se focaliser sur une figure criminelle : Alabaster ; celui-ci, rendu à moitié fou par la trahison qu’il a subi ainsi que par sa difformité, ne pense qu’à faire souffrir le monde qui l’entoure, et trouvera d’autres individus pour le rejoindre dans sa sinistre mission.
Ce titre alterne poursuites policières à travers le monde, introspection dans le cerveau malade d’un homme ayant perdu toute foi en l’humanité, et vision d’horreur à la limite du grotesque, Alabaster utilisant son arme pour faire subir un sort épouvantable à ses victimes. Même si concernant ce dernier aspect, le mangaka aurait pu aller encore plus loin, la scène la plus saisissante étant malheureusement un peu courte.
Comme toujours avec l’auteur, nous avons droit à des personnages torturés – d’aucuns diront qu’ils sont trop humains – à une histoire sombre mais parsemée d’espoir, et même à quelques touches humoristiques, voire même coquines. Mais ce qui compte sans doute le plus ici, c’est le ton trépidant d’Alabaster, dont il maitrise la narration de bout-en-bout pour faire une œuvre passionnante. Ses personnages complexes et son imagerie extrême font le reste.
Même s’il n’est pas son plus connu, Alabaster s’impose donc comme un des meilleurs manga signés Osamu Tezuka, ou du moins un des meilleurs sortis en France. Mais en raison de son prix – FLBLB étant un indépendant – il ne s’agit pas du titre par lequel découvrir ce grand mangaka, d’autant plus que si l’édition est très soignée concernant l’impression et la qualité du papier, il n’en va pas de même pour le lettrage et surtout la traduction ; à ce tarif et même si cela n’affecte pas l’histoire elle-même, c’est forcément vexant.