Rabaté ne pouvait trouver mieux que Kokor pour illustrer cette histoire poétique en diable. En effet sa fiction en vers racontant le parcours d’Alexandrin, poète ambulant vendant ses œuvres au gré de ses errances et du jeune Kevin, un fugueur qu’il va prendre sous son aile, est magnifiée par les dessins aux tons pastel et le découpage d’une grande inventivité typique du travail de l’auteur de « Supplément d’âme ».
Avec Alexandrin et Kevin le récit d’apprentissage prend des chemins de traverse où rien ne sert de se presser. De la ville à la campagne, on déambule le nez au vent, porté par un goût immodéré pour la liberté. Le regard posé sur l’existence se veut décalé. On prend son temps, on musarde, on fraternise sans jugement, on profite de la vie comme elle vient.
C’est beau, doux, chaleureux, plein de lenteur, de silence et de contemplation. Mais sous le vernis de l’innocence la cruauté du monde finit par affleurer. Et sans jamais se laisser déborder par la moindre mièvrerie, les auteurs achèvent la balade de leur poète sur une note douce-amère ramenant chacun à sa propre solitude.