Alive
6.2
Alive

Manga de Tsutomu Takahashi (1999)

Parle bien quand il ne dit rien

Le contexte carcéral, les uniformes, mais aussi le dessin chargé de rétribuer les faciès de ce que Alive! compte comme protagonistes, en deux cases de temps, vous jurerez que vous vous serez replongé dans les planches initiales de Coq de Combat. Il n’en est rien ? Takahashi Tsutomu, il me semble, a trop longtemps couru après les dessins d’Akio Tanaka pour qu’on ne s’en aperçoive pas à l’occasion de certaines de ses compositions. Qu’Alive! soit justement sorti un an après Coq de Combat ne fait que renforcer un sentiment qui, bien assez tôt, mute en conviction.


Qu’il court après, c’est louable, mais alors qu’il écrivait Alive! il était encore bien loin derrière. Takahashi Tsutomu s’en rapprochera un peu plus de ce dessin à mesure qu’il multipliera les copies rendues à son éditeur. Mais ce dessin qu’il aura convoité si âprement au fil des années, jamais il ne sera parvenu à s’en saisir ; pas même du bout des doigts. Il n’empêche, la parenté, on la sent comme on la contemple dans les yeux d’un fils bâtard dont on lui reconnaît le père en lui refusant la lignée.


Le dessin de l’auteur est moins marqué, moins efficace que celui qu’il copie pour ce qu’il a à nous rapporter et n’a aucune identité propre encore à cette époque. Ça ne sera convenable que pour un lecteur néophyte ; les autres, irrésistiblement, n’auront quant à eux que l’impression de contempler le frère jumeau mort-né de Coq de Combat.


Le rendu ne fait qu’un volume, mais l’auteur étale sur ses planches des phases de vide où rien ne se passe. Il les dessine, c’est entendu, il le fait bien, mais on jurerait qu’il comble des avaries béantes du fait que le contenu qu’il avait à nous proposer était trop peu conséquent pour remplir un tome entier. Les contraintes éditoriales font que l’œuvre ne pouvait pas être plus condensée qu’elle aurait mérité de l’être. Il est des mangas où rien ne se dit mais où bien des choses s’accomplissent, Alive! n’en fait pas partie. Le propos peine à s’articuler et ce qui devrait tenir de l’expectative et du mystère prend des airs d’indécisions.


Le protagoniste échappe à la peine de mort pour servir de cobaye à une expérience à laquelle il ne comprendra rien. Nous non plus par ailleurs. Rien ne nous est livré tout cuit dans la bouche, j’apprécie, mais rien ne nous est délivré du tout à bien y regarder. Si ce n’est des phases foncièrement aléatoires où adviennent des choses dont la finalité a été préalablement expurgées… on ne sait trop à quoi cette expérience peut bien aboutir et rien, dans le récit, ne nous suggère seulement l’envie de vouloir en découvrir l’issue.


Les palabres des scientifiques sont incompréhensibles et n’ont qu’une fonction strictement narrative. Il n’y a pas de dialogue à proprement parler, rien qu’une exposition de l’univers qui leur sort de la gueule à chaque réplique. L’enjeu est si navrant qu’il m’a bien vite rappelé les One Shots signés Tetsuya Tsutsui.


On tergiverse avant même la moitié du premier volume. Chaque mot qui nous parvient nous fait regretter les instants où rien ne se disait. La contemplation froide et morne d’une focale graphique vaut finalement mieux que de les écouter débiter des âneries. Et puis, ce protagoniste principal… c’est un de ces taulards qui a eu droit à une cellule du fait de l’injustice. Ah, ses quatre victimes, il les a bien tuées… mais c’était parce qu’elles étaient méchantes. Les coupables innocents, je n’avais pas eu l’occasion d’en croquer depuis Prophecy et Rainbow. Et allez savoir pourquoi, je ne m’en portais que mieux.


Le pouvoir occulte de la fille n’a pas non plus de finalité et ne peut même se piquer d’avoir une provenance. On ne sait trop d’où ça vient si ce n’est de la nécessité de créer du contenu là où il était absent. Le pouvoir se transfère à notre protagoniste « parce que » l’expérience tourne mal pour ceux qui l’ont orchestrée – oh la divine surprise que celle-ci – et puis il sauve la fille avant de connaître une issue à même d’anoblir en tant que personnage du fait de la grandeur d’âme qui suinte de toute la rédemption dont il s’imbibe.


De Alive! je ne dirai pas que j’en ai retiré une perte de temps considérable puisque ce volume unique a le mérite de se lire très rapidement. Il y a quelques passages plutôt sympathiques sur le plan graphique, notamment avec tout ce qui a trait aux manifestations surnaturelles, avec une main au bout de laquelle on retrouve un œil – jamais vu auparavant – mais je ne retiendrai que ça. Et je ne le retiendrai pas longtemps. Ôtez-lui son dessin élaboré à Takahashi Tsutomu, et d’une œuvre comme Alive!, qu’est-ce qu’on en retiendra ? C’est d’une question franche qui, je le pense, n’appelle qu’à des réponses gênées de devoir se manifester.

Josselin-B
3
Écrit par

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le 19 août 2024

Critique lue 55 fois

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Josselin Bigaut

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