Alpha... Directions - Alpha Beta Gamma, tome 1 par Rohagus
J'avais beaucoup d'appréhension avant d'acheter ce gros pavé. L'album était certes très beau et attirant, son concept original et ambitieux, mais... N'allait-il pas être trop hermétique avec des planches presque muettes où des images encyclopédiques se mêlent à des figures abstraites issues de la religion ou de différentes cultures humaines ? Ou bien n'allait-il pas être trop encyclopédique ? Et qu'est-ce que l'auteur allait bien pouvoir raconter d'intéressant durant ces milliards d'années séparant le Big Bang de l'avènement des dinosaures ? En outre, étant moi-même déjà relativement bien informé sur les origines de la Terre, de la vie et de l'évolution naturelle, allais-je y trouver quelque chose de neuf et de captivant ?
Mes craintes ont été balayées au bout de quelques pages.
D'emblée, c'est beau !
Tout fonctionne pour faire de cet album une belle oeuvre. La splendide couverture cartonnée, le papier solide, la reliure verte, l'intelligente structure en chapitres colorés, le trait épais et clair de l'auteur, ses représentations d'époque soignées, l'iconographie qui les accompagne et la façon dont l'ensemble s'agence.
Jens Harder est très doué pour représenter les créatures de la préhistoire et d'avant. Animaux, végétaux et décors naturels sont excellents. J'ai une légère crainte cependant sur sa représentation des êtres humains qui n'est pas idéale pour ce premier tome et risquerait d'impacter la beauté des tomes à venir qui porteront spécifiquement sur l'Homme, ses civilisations puis son avenir.
Et ensuite, c'est à la fois passionnant et hyper-instructif !
D'une manière très pédagogique, l'auteur nous fait suivre les évolutions de l'univers, du système solaire, de la Terre puis du règne animal sur quatorze milliards d'années.
Son utilisation d'une iconographie reliée aux évènements décrits est le plus souvent fort-à-propos, évocatrice et parfois même assez humoristique. Elle donne en tout cas sa force, son originalité et son côté plaisant à cette oeuvre, l'éloignant des encyclopédies autrement rébarbatives.
C'est avec respect que j'ai redécouvert à quel point la Nature avait bien fait les choses. C'est assez incroyable de voir comment les lois de la Physique, puis du magnétisme, de l'électricité, de la chimie, de la photosynthèse et tant d'autres ont peu à peu, sur des milliards puis des millions d'années, amené l'univers à exister puis la Terre à devenir le berceau de la vie et de l'Homme.
C'est également impressionnant de découvrir la petitesse du temps de l'être humain sur Terre, à quel point le temps des dinosaures eux-mêmes n'a été qu'une infime portion de la chaine de l'évolution animale, et combien d'ères les ont précédés avec des créatures aussi étonnantes que variées et souvent effrayantes.
Je n'ai que de faibles regrets.
Le premier tient à la culture étendue qu'il faut pour reconnaître chaque représentation de l'iconographie utilisée par l'auteur. Nombre d'illustrations religieuses et culturelles m'ont échappé et c'est avec regret que je n'ai donc pas pu faire le lien entre elles et le récit en lui-même.
Le second tient à l'aspect titanesque de la tâche et des éons représentés ici. J'en suis venu à m'y perdre dans tous les noms de races et d'espèces évoqués. Il faut garder l'esprit éveillé pour s'y retrouver et de multiples lectures de l'oeuvre risquent de s'imposer pour celui qui veut vraiment y parfaire son érudition. Et pour une première lecture, il vaut mieux y aller par étape.
Le dernier regret tient cette fois à la façon dont les planches et la narration sont structurées, mélangeant des images "d'époque" avec d'autres images plus évocatrices ou de quelques temps avant ou après. C'est le plus souvent parfaitement amené et judicieux. Mais il m'est arrivé quelques fois de me demander si oui ou non telle image de créature était celle vivant à cette époque là ou bien un de ses descendants à venir plus tard ou une simple illustration issue de l'iconographie et donc non "réelle". Sur toute l'époque de la fin du Paléozoïque, à partir de l'Ordovicien notamment, je n'ai plus tellement réussi à "visualiser" les créatures peuplant terres et mers car les millions d'années, les évolutions et les images fantasmées se mélangeaient dans les images présentées dans ces planches.
Mais il s'agit là de reproches de très faible importance. Ils expliquent seulement le fait que j'ai un peu hésité avant de classer ce premier tome parmi mes oeuvres cultes. Cependant, si les 2 tomes suivants sont du même acabit, s'ils sont aussi profonds, pédagogiques et instructifs, le doute n'existera plus pour moi.
Je suis vraiment très curieux de voir comment Jens Harder représentera l'évolution des civilisations humaines dans Bêta...Civilisations et encore plus curieux de voir la teneur de ce qu'il imaginera pour l'avenir dans Gamma...Visions.
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