Amorostasia
6.8
Amorostasia

BD (divers) de Cyril Bonin (2013)

Un point de départ proche du ridicule

Et si l’amour était une maladie ? Cyril Bonin prend l’expression au mot et crée l’amorostasia qui provoque une stase chez les amoureux. Très vite, la panique s’installe à Paris d’où a commencé l’épidémie. Peur et suspicion vont se télescoper. Le tout est publié chez Futoropolis pour 124 pages de lecture. Et même si cet ouvrage a eu une suite, il a été prévu comme un one-shot.


Rapidement, on est dubitatif devant les descriptifs de la maladie : une stase protectrice qui ne nécessite aucune intervention extérieure : aucun besoin d’alimenter les personnages, l’épiderme suffit à protéger de l’extérieur… Bref, on prend au mot l’expression « vivre d’amour et d’eau fraîche », mais sans l’eau fraîche ! Il faudra passer cet écueil pour apprécier « Amorostasia », sous peine de trouver l’ensemble de l’ouvrage ridicule… Car les explications scientifiques (hormones, mutations génétiques…) ne convaincront personne.


Au-delà de la maladie de base, qu’est-ce que l’on a ? Une description de la panique des gens face à une épidémie. Même s’il montre (rapidement) les effets classiques (comme la fuite des foyers épidémiques), l’auteur se concentre sur les effets liés à l’amour : fermeture des lieux de vie (bars, boîtes de nuit…), suspicion sur les femmes (uniquement…), brassard pour les « tentatrices »… C’est là que la BD est intéressante. Cyril Bonin exploite son histoire de façon intéressante, tout en décrivant les dérives classiques de nos sociétés. Si un homme tombe amoureux d’une femme, c’est la faute de la femme… La description de cette société qui se délite petit à petit face à un mal inconnu m’a rappelé certains ouvrages de Saramago.


Cyril Bonin s’attaque aussi à l’intime : quand des couples n’entrent pas en stase, ils sont remis en cause. L’auteur parvient intelligemment à gérer les conséquences de cette maladie à grande et petite échelle. Les personnages sont réussis et on sent qu’ils sont démunis face à ces stases qui s’accumulent. Olga subit plusieurs fois les conséquences (passives) de ses non-stases.


Le dessin de Cyril Bonin est très agréable. Le choix des aplats de gris donne de la matière à son trait. Les décors et les personnages sont soignés, ainsi que la mise en page. Bien que le sujet soit assez statique (beaucoup de gens qui parlent), l’auteur amène une véritable variété dans les plans. On sent un auteur qui maîtrise son sujet.


Passé l’écueil d’un point de départ assez ridicule, « Amorostasia » est un ouvrage bien écrit, bien pensé et qui se dévore avec plaisir. Au final, on lit le tout avec un peu de second degré, mais les évolutions de la société face à l’épidémie ne laissent pas indifférent. Un bel ouvrage au final !

belzaran
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le 26 sept. 2016

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