Pour les adeptes de chasse à l'homme dans l'Enfer et le désert...

« Bouncer » est en passe de devenir un monument du neuvième art dans le domaine du western. La vie de son héros manchot s’avère aussi passionnante que cruelle. Son quotidien n’est qu’une succession d’épreuves aussi dures et injustes les unes que les autres. La lecture est oppressante et l’atmosphère rude qui l’habite ne laisse pas le lecteur indemne. C’est donc avec joie que j’ai découvert la sortie le vingt novembre dernier du dernier opus en date des pérégrinations du célèbre locataire de Barro-City. Il s’agit du neuvième tome. La couverture nous promet une longue traversée du désert. La chaleur et l’aridité des lieux est évidente. La sueur transpire de ce premier contact avec l’ouvrage.

Ce dernier s’intitule « And back » et s’inscrit comme la suite de « To Hell ». Il toujours l’œuvre commune du scénariste Alejandro Jodorowsky et du dessinateur François Boucq. Le bouquin se compose de soixante-dix pages d’excellente qualité. Il en coûtera une quinzaine d’euros aux adeptes qui voudraient s’offrir cet album. La quatrième de couverture présente un paysage classique américain. Bouncer est à cheval, de dos, en train d’errer seul dans le désert.

Tout d’abord, je me dois de préciser qu’il m’apparaît indispensable d’avoir lu le précédent épisode pour maîtriser pleinement les enjeux de « And back ». Certes, Jodorowsky insère quelques rappels dans ses textes mais cela ne suffit pas à mes yeux à pleinement comprendre les tenants et les aboutissants de la quête du Bouncer. De plus, il faut savoir que l’atmosphère de « Bouncer » est loin de celle de « Lucky Luke ». L’heure n’est ni à l’humour ni à la légèreté. Le ton est dur et amoral. La violence physique et morale habite bon nombre de pages. Les moments de calme sont rares. Cette série s’adresse donc à un public adulte qui est prêt à accepter qu’une histoire ne finisse pas toujours bien.

L’histoire démarre où elle nous avait laissé. Bouncer est en mission. Il s’est promis de ramener Pretty John à Barro-City pour qu’il soit jugé pour ses crimes. La difficulté est que ce dernier s’est retranché dans un pénitencier perdu au milieu du désert et tenu par son père. Mais ce lieu n’est pas une prison comme les autres. En effet, il s’agit d’un lieu de débauches dans lequel se regroupent les pires malfrats de la région. Dans l’opus précédent, j’avais pris beaucoup de plaisir à suivre les premiers pas du héros dans cette cour des miracles. Il avait fini enfermé et avait dû sa survie au fait qu’il arrive à battre un ours à main nue.


Ce tome s’axe davantage sur la relation complexe et ambigüe qui va se construire entre lui et la mère de Pretty John. Elle alterne entre haine et attirance. Comme souvent, Bouncer a du mal à choisir les femmes qui l’entourent. Néanmoins, cela permet de voir apparaître un adversaire dont la personnalité ne laisse pas indifférent. Le malaise et la peur apparaissent à chaque fois qu’elle entre quelque part. Lorsque Bouncer s’échappe, la reine mère mène une chasse à l’homme au sens le plus animal qu’on puisse l’imaginer. Elle devient une bête prête à tout pour arriver à ses fins. Elle donne une dimension très forte à l’intrigue.

Alors que « To Hell » nous contait la route menant au pénitencier, « And back » nous en conte la fuite. Bouncer et ses acolytes doivent traverser un désert angoissant. Pour cela, il est guidé par un indien coutumier des lieux. Ce personnage amène une dimension spirituelle et quasiment mystique que Jodorowsky amène de temps à autre dans ses intrigues. Je l’ai appréciée. La traversée est homérique tant elle paraît impossible et rude. Parallèlement, la direction de la prison les pourchasse avec une bande de desperados à la morale inexistante. Il existe un vrai suspense quant à l’issue des débats. Par le passé, les auteurs ont montré qu’ils ne sont pas des adeptes systématiques du « happy end ». Il existe donc une possibilité réelle qu’un drame injuste accompagne le dénouement. Il va sans dire que je vous laisserai découvrir l’issue de tout cela en vous plongeant dans la lecture de ce tome.

Je ne peux conclure une critique sur un épisode de cette série sans évoquer le talent de dessinateur de Boucq. Sa capacité à générer une atmosphère suante de western est remarquable. Je n’ai aucun mal à sentir la crasse de ces saloons, de ces montagnes désertiques, de tous ces lieux qui appartiennent aux codes du genre. Son trait a une capacité rare à faire naître un univers qui génère un grand spectre de sensations. Par sa plume, il participe activement à la dureté du propos qui agrémente chacun des épisodes de la saga. Ce neuvième acte n’échappe pas à la règle.

Pour conclure, ce tome est à la hauteur de la série et ce n’est pas le moindre des compliments. « Bouncer » confirme sa place dans les œuvres majeures de western. Je ne peux qu’inciter les adeptes du genre à la découvrir au plus vite. Quant à moi, il ne me reste plus qu’à guetter la parution du prochain chapitre des aventures de mon manchot préféré. Mais cela est une autre histoire…
Eric17
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le 5 janv. 2014

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Eric17

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