Ao Ashi
7.5
Ao Ashi

Manga de Yûgo Kobayashi (2015)

Le football autrement. Mais pas en mieux.

On commence par un incident qui n’est pas sans rappeler la finale de la Coupe du Monde 2006 où le personnage principal – numéro 10 – provoqué qu’il se trouve par un joueur adverse, lui administre un coup de tête, compromettant ainsi le match du fait du carton rouge qui lui fut administré.

Des petites traces de Urasawa dans le dessin, greffées sur du graffiti Shônen plus ou moins indistinct, sans qu’un style probant n’émerge de sous l’encre.


Tsubasa trouve son Roberto qui fera de lui une star du football après avoir vu son potentiel hors-normes en deux coups d’œil posés sur lui.. Oh, pardon. Mille excuses pour la méprise. Ashito trouvera son Fukuda qui fera de lui une star du football après avoir vu son potentiel hors-normes après deux coups d’œil posés sur lui. Navré d’avoir confondu ce qui ne devait pas l’être.

Quand je pense qu’on m’a vanté Ao Ashi comme l’anté-Captain Tsubasa… Ça n’est en réalité que sa réactualisation.


Ao Ashi est vaguement énervant mais jamais innervant ; c’est avec un regard monotone qu’on voir passer les chapitres convenus pour lesquels qu’on est venus. Ça se veut plus réaliste que du Tsubasa, mais ça ne l’est qu’en ce sens où les acrobaties sont fortuites. Ce qui tenait de l’irréel chez Captain Tsubasa tenait aussi à la progression fulgurante des protagonistes qui, en un rien de temps, tutoieront les étoiles. On est loin d’un Slam Dunk. Slam Dunk dont Ao Ashi reprendra les traits – et rien que les traits – des petits encarts supposés humoristiques venues parsemer les chapitres afin d’espérer diluer l’ennui. Sauf que cela ne fonctionne pas.


C’est le Haikkyu du football. Ni plus ni moins. L’action de jeu ne nous transporte pas, elle est sans cesse confuse. Je conçois que ce n’est pas évident de retranscrire du football sur papier, mais quand Blue Lock fait des émules dans le domaine, on ne peut qu’en déduire que cela tient du possible. Et nous en sommes loin.

Les personnages sont évidemment insipides, sans caractère si ce n’est la variables qui leur font office de personnalité et les matchs, jamais ne vous prennent au tripe. Ils vous prendront la tête, peut-être. Au mieux. Quand on s’y essaye, on regrette finalement les acrobaties. Captain Tsubasa, ça avait beau être le festival de la déconnade sur gazon, au moins, il y avait matière à rire. Seulement ici, il n’y a pas de quoi s’esclaffer ou verser la moindre larme, tout indiffère très vite et surtout, très longtemps.


Des encouragements creux dignes d’un Shônen qu’on aurait écrit avant le Déluge tant ils sont datés, des rencontres jouées d’avance, rien pour donner envie de poursuivre ou même faire semblant qu’un match soit différent d’un autre… le football y est ici aussi chiant qu’à la télé, et moins bien mis en scène.

Yûgo Kobayashi travaillera son manga qui sera perdu entre les éclats et la sobriété de ton pour se perdre dans le pire de ce que les deux registres ont finalement à offrir.


Et les entre-matchs ne seront pas mieux. C’est l’histoire d’un fils-à-maman dont le contexte quelque peu misérabiliste – pas de trop, j’admets – font de lui un chevalier sur le terrain comme sur le bitume. Il a les joues roses, les idées à la bonne place et aucun trait de caractère ne laissant traîner la moindre nuance chez lui. C’est un gentil garçon impétueux. Dans un Nekketsu onirique, ça peut passer et séduire dans le contexte établi, mais dans un univers qui se veut imbriqué dans le monde réel comme l’était Slam Dunk – et presque tous les mangas de sport par ailleurs – on trouve matière à s’essouffler tant on soupire. Et jamais de soulagement. H2 et autres œuvres sportives du même auteur, si elles n’étaient pas palpitantes durant les rencontres sportives, avaient au moins ce qu’il fallait dans la plume pour garnir l’Autour et inciter à poursuivre au moins pour les personnage.


Ces antagonistes, ces alliés sur le terrain… je les ai tous déjà vus. Sans exception aucune. Ils n’ont rien de crédible ou de nouveau. Blue Lock avait su rendre ses protagonistes – exception faite des plus exagérés – plutôt sympathiques sans non plus qu’on y regarde à deux fois. Mais ici, chaque fois qu’un joueur se présente, sa personnalité est écrite sur sa gueule et on devine ce qu’il bavera avant même qu’une ligne de dialogue n’ait été rédigée. Les arrogants dédaigneux, les agressifs bêtas, les types innocents et enthousiastes qui se font le miroir du héros… je les ai tous déjà vus, et je ne tenais pas franchement à les retrouver ici ou ailleurs. Mais ils sont fabriqués en série, hélas. Jamais on ne s’émancipe des archétypes recyclés partout et sans scrupules par tant d’auteurs de Shônen.


Ao Ashi avait-il quelque chose de nouveau à apporter après Captain Tsubasa ou Inazuma Eleven ? Non. On ne retrouve rien d’innovant, rien qui soit prenant. L’œuvre s’est inscrite dans un créneau de mangas sportifs dont la recette séduit sans qu’il ne soit besoin d’y ajouter beaucoup d’ingrédients. Je persiste, je récidive, et même que j’insiste lourdement… mais c’est un Haikkyu qui se joue au pied. À la rigueur, un sur-Kuroko no Basket sans que cela ne suppose le moindre mérite.


Je le sais bien que la recette du Shônen, pour que le produit se vende longtemps, suppose de donner envie de découvrir le chapitre suivant après que l’on ait lu la fin du dernier en relançant la machine. Le procédé, usant parfois, compréhensible néanmoins si l’on considère les méthodes d’édition, ne me sera jamais apparu aussi criant ici. C’est du cliffhanger de tous les instants, et avec un rien souvent, pour conclure le moindre chapitre qui passe.


« Ashito ne pourra jamais rejoindre la catégorie supérieure » Ta-ta-tsoiiiiiiiin ♪ (musique dramatique) lâché gratuitement en fin de chapitre pour qu’on découvre, un volume plus tard, qu’il n’en était rien. Les faux enjeux sont posés partout comme des mines anti-personnelles qui, quand Ashito marche dessus, ne provoque nt finalement qu’un bruit de pet foireux. L’adversité, elle était toujours mentionnée dans la narration sans jamais se concrétiser sur une case à un quelconque instant donné.


Les matchs sont un peu mieux scénographiés par la suite. Intelligibles dirons-nous, moins théâtraux, donc un peu plus valables. Mais jamais palpitants. Ao Ashi aura prouvé, par le travail de découpage des planches de son auteur, qu’il était finalement un peu plus valable qu’un Haikkyu. Un maigre mérite que celui-ci, un mérite néanmoins. Surtout si on considère l’époque.


En revanche, qu’on ne me dise pas que Ao Ashi est un Captain Tsubasa réaliste. Des pirouettes, ici, j’en ai vu des improbables. La retournée acrobatique de Tachibana avec tout l’habituel pataquès « oh la la, rien ne prêtait à croire qu’il serait capable de sauver la situation », vous aurez droit à ça deux fois par volume relié au moins. Du spectaculaire à pas cher, faussement pudique pour ne pas que c’en soit trop outrecuidant, est toutefois visible à l’œil nu sans qu’une inspection attentive soit de rigueur. La bagatelle saute aux yeux, et récidive sans arrêt.


L’intrigue, tout du long, est artificiellement maintenue et poursuivie. L’évolution de l’équipe est inéluctable puisqu’elle suit le schéma des compétitions. C’est d’ailleurs pour ça que pas mal d’auteurs affectent de se lancer dans le manga sportif : le scénario y est écrit à l’avance puisqu’il suffit simplement d’enchaîner les rencontres sur un même terrain. Il suffit ensuite d’agiter un peu les choses entre deux matchs pour créer du drame qui n’en est pas un et qui se résoudra toujours sans peine, grâce aux rires et autres bonnes intentions, et puis l’affaire est rendue.


Ao Ashi est un manga sportif qui n’a rien à apporter dans le paysage. Un autre ai-je envie de dire tout, le déplorant bien amèrement. On ne peut pas espérer la résurgence de Zero à tous les étages ma brave dame. Le présent manga serait meilleur que Captain Tsubasa ? Je vous dirai que Captain Tsubasa, en dépit de tous ses travers grossiers et flagrants, avait finalement le mérite du pionnier. Tout était à faire et, même si ce fut mal fait, des jalons furent posés. Yûgo Kobayashi, avec son œuvre, se sera laissé porter par les canons du genre, poursuivant le fil de son écriture alors que tout allait de soi dès lors où l’histoire était finalement écrite à l’avance. Il n’y a que les poissons morts qui suivent le courant de la rivière, et ce poisson-ci était décidément bien crevé.

Josselin-B
3
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le 16 sept. 2024

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Josselin Bigaut

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