Lâcheté et mensonges
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Dans Archéologie de l’intime, Clothilde Delacroix nous plonge dans un univers, dans des « problématiques » qui, à première vue, peuvent sembler étranger à un lecteur masculin n’ayant pas partagé les expériences intimes qu’elle narre. Ou même pour la grande majorité des femmes qui, heureusement, ne les ont pas vécues…
Car Delacroix nous entraîne à sa suite dans un voyage introspectif, qui déterre des souvenirs enfouis et les émotions réprimées (d’où sa qualification d’exercice « d’archéologie »…) : c’est qu’elle a vécu une expérience particulièrement traumatique durant sa grossesse, et à l’occasion de la naissance de sa fille, qui va nous être dévoilée peu à peu, au fil des pages. À travers une série de fragments autobiographiques, elle navigue entre différentes époques, scrutant ces moments clés de sa vie, qui auraient dû être de grands bonheurs, et se révélèrent des épreuves terribles : les relations avec sa fille, les instants de vulnérabilité extrême et ceux de désespoir sans fond, les pertes vertigineuses de confiance et les stratégies minuscules qu’elle a pu mettre en place pour ne pas littéralement disparaître, se laisser engloutir.
Chaque chapitre se présente comme une excavation de son passé, révélant par petites touches – le choix de l’aquarelle étant particulièrement pertinent ici – la richesse et la fragilité de l’intime. Archéologie de l’intime donne certes l’impression d’être davantage un parcours thérapeutique pour l’autrice qu’une œuvre ouverte à ses lecteurs, mais Delacroix, avec son style graphique délicat – qui vient directement de la BD enfantine, des mots simples soigneusement choisis -, et les jolies touches d’humour qu’elle arrive à glisser çà et là, nous invite à nous interroger sur notre propre histoire et à embrasser la complexité de nos émotions.
Oui, il est indiscutable que nous pouvons nous sentir en décalage par rapport au récit, comme spectateurs d’une introspection très personnelle : cette histoire de vulnérabilité, d’intimité et de quête, et finalement de reconstruction, où l’autrice se représente presque elle-même, à tous les âges de la vie, comme une enfant, semble parfois tourner en rond, comme un cheminement qui aurait du mal à se lier à un auditoire qui ne partage pas cette sensibilité. Mais, au fil de la lecture, une transformation opère : les images créées par Delacroix, qui semblent d’abord abstraites, un peu hermétiques, commencent à tisser une toile émotionnelle qui nous enveloppe. Peu à peu, l’émotion s’immisce, et l’on se surprend à ressentir une forte empathie pour cette lutte désespérée. Les très nombreuses images symboliques des combats de Clothilde, de son parcours émotionnel, tout en finesse et en nuance, viennent renforcer ce cheminement, chaque case devenant une résonance visuelle des sentiments exprimés.
Finalement, Archéologie de l’intime se révèle être un voyage émotionnel qui finit par toucher des cordes sensibles. C’est un livre qui invite à dépasser ses propres expériences pour embrasser la complexité des autres. C’est une ode à la vulnérabilité qui, malgré un démarrage peut-être un peu lent, s’avère profondément poignante.
Une lecture à ne pas négliger, même pour ceux qui, comme nous, et ce sera sans doute le cas de nombreux lecteurs masculins, auraient pu se sentir peu impliqués au départ.
[Critique écrite en 2024]
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Créée
le 2 nov. 2024
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