L’impertinent qui m’aura laissé deux daubes youtubesques sur mes pompes afin que je les fouille de mes doigts experts ne m’avait rien dit. Il ne m’avait pas dit que, des deux - l'autre étant Ki & Hi - il s’en est trouvée une pour être en plus une de ces infâmes déjections de Webtoon. Pardonnez le pléonasme.


C’est bien simple, ce style de dessin, bourré et truffé de chiasseries numériques, est exactement analogue à tous les autres. Un Webtoon se sort pas d’un crayon mais d’un moule. Et pas un dont les détails ont été sculptés d’une main de maître. Graphiquement, ils se ressemblent tous, ne se singularisent en rien et seront pareils à chacun. Le Webtoon ne tient pas de la Junk Food transposée au cadre de la bande-dessinée, mais du dépotoir à ciel ouvert. Sans surprise, car dépourvu d’estime envers mes semblables à force de trop les connaître, je ne m’étonne donc pas qu’il s’en trouve des millions pour aller s’y bâfrer comme des gorets. Ah mes bons pourceaux que ferions-nous sans vous ?

Un monde meilleur.


Mais cette fois, mieux encore, mes « compatriotes » ont carrément emprunté le moule à malice, y auront déversé le contenu de leur esprit, à moins que ce ne fut celui de leur gros intestin, puis nous l’aurons mis sous le nez en nous sommant de nous en régaler. Heureusement, le genre étant précisément si formaté, on ne pourra pas dire que la dessinatrice se soit loupée. C’est un Webtoon, y’a pas de doute. Y’a pas de doute, car il n’y a pas de qualité à répertorier : le cahier des charges est respecté. Jusque là, rien qu’à contempler le dessin lisse et synthétique, j’observe qu’il n’y a pas l’ombre d’une avarie dans l’incurie ; qu’on n’y trouvera aucune tache de propre dans le dépotoir susnommé.


Et puisque la purge aura été estampillée « Vu sur Youtube », car Le Chef Otaku nous aura béni de sa sapience en saisissant le script à pleines mains, la promotion était déjà rendue. Pour qui ne connaîtrait pas la bête, on parle d’un Otaku qui disait ne pas connaître Evangelion et occupe les neuf-dixième de son temps à s’enthousiasmer sur Dragon Ball Super. Paraît même que c’est comme ça qu’il gagne sa vie. Y’a pas de sots métiers mais des métiers pour sots et pourceaux, ça, y’a.


L’énergumène est un éternel adolescent. L’auteur, j’entends. Les personnages aussi, incidemment. Une coulée de fiente, après tout, ne se transforme pas en eau minérale quand elle nous tombe dans les yeux. Les dialogues vous rappelleront les plus belles heures de Skyblog, quand les Hauts-de-France s’essayaient à l’art et la philosophie.

« Suis-je un fou au milieu des sages, ou un sage au milieu des fous ? »

C’est une vraie citation.

Profond. Puissant. À la lire, on se dit que le drame de Tarkovsky, c’est de ne pas avoir connu Le Chef Otaku ; il aurait eu tant à apprendre de lui sur les choses de la vie. Et l’écriture ; bon sang l’écriture ! Dieu s’incarne-t-il parfois dans le corps du Chef Otaku – faut dire qu’il y a de la place pour meubler un studio – c’est la question que je me pose. Le génie scriptural, surtout quand il s’associe à de si somptueux dessins, nous ravit l’âme et les sens. J’ai frémi, en lisant Arena. Du moins j’ai tremblé. Peut-être pleurais-je de joie d’avoir assisté de mon vivant à la Félicité, à moins que je vibrais à force d’écumer de rage.


Que tout cela est mauvais. Kevin Tran, avec Ki & Hi, nous sanctionnait de tous les poncifs les plus vils et rupestres du gag manga pour enfant de trois ans, et mal. Alvin Labecot – le Chef Otaku – dont je lui reconnais qu’il a au moins un prénom assez classe, applique la même recette en changeant de registre. Ce que le Shônen a de plus con et de cliché en réserve ; tout y sera condensé. Le héros super classe aux cheveux blancs-bleus tel Khun dans Tower of God (oui Alvin, j’ai vu l’influence...), ses sourires machiavéliques d'anti-héros mais pas trop, une violence dont les proportions, la cohérence et la gradation n’ont pas été mesurés à un quelconque instant – ça c’est une marque de fabrique Webtoon – et une absence flagrante de scénario ; rien ne manque.

« J’ai toujours été fasciné par la mort »

C’est une vraie citation.

Normalement, on entend quelqu’un dire ça dans la cour de récréation, on le couvre de mornifles. Sasuke, quoi qu’en disent ses détracteurs, avait de la profondeur à une époque ; en tout cas la profondeur de son époque. Mais il fut l’emblème du Dark Kikoo qui, durant la décennie 2000, gangrénait le Shônen et débordait même sur le Seinen pour gogols. Seulement mon bon monsieur Labecot, outre le fait que vous n’ayez pas puisé dans ce que l’époque avait eu de plus fameuse en terme de poncifs d’alors, s’est achevée il y a près de vingt ans. On a à peu près le même âge, donc grandi avec les mêmes œuvres… faut innover à un moment. Qui stagne, sclérose.


Gabriel, notre personnage principal, est évidemment parfait. Il gagne aux échecs, preuve qu’il est intelligent (HAHAHAHAHAHAHAHAHA), est très versé dans le combat, s’avère imperturbable en toute circonstance ; c’est un dieu dès le plus jeune âge. Pardon, c’est un diable. Parce qu’il est fasciné par la mort – de manière puérile et superficielle mais sous couvert d’une profondeur qu’essaie de nous suggérer la narration – et qu’il fait aussi des sourires méchants.


Le coup du cancer foudroyant de maman m’a fait rire. C’est tombé si vite et si prévisiblement que je me suis rappelé du traitement narratif du cancer de la mère du personnage principal dans une autre œuvre. Le contraste fut si saisissant dans ce clair-obscur soudain que j’ai ri. J’ai ri de voir que la différence flagrante de talent entre deux auteurs – nonobstant les registres de chacun – pouvait s’observer à l’œil nu ; qu’au fond, la subjectivité d’un lecteur pesait moins lourd dans le jugement d’une œuvre que le talent effectif d’un auteur à savoir écrire.

Ah oui, et il pleut le jour de l’enterrement de la mère. Naturellement, faudrait surtout pas oublier un seul poncif ; l’équilibre de l’univers en serait malmené.


Le premier personnage – outre Gabriel et sa mère – à nous parvenir, a pour première réplique « Wesh ».

« Wesh », c’est la garantie que le manga a été écrit par un homme du peuple, capable de rapporter le sabir subtil de ses contempor…. Bordel. Plus personne ne dit « Wesh » depuis 2008 à moins qu’il ne soit question de se moquer. On dirait qu’Arena a été écrit par un sexagénaire déjà sénescent qui chercherait à faire jeune. Comment peut-on être si éloigné de ce qu’est un jeune de notre époque lorsqu’on a à peine un début de trentaine comme monsieur Labecot ? Comment c’est possible physiquement ? Parce que ça s’aggrave.

« Pour le trajet, j’ai pris des cartes Magic et j’ai téléchargé le Donjon de Naheulbeuk… et bien évidemment, ma Switch avec Smash ! On va s’éclater »

C’est une vraie citation.


Allô, bonjour, est-ce que je m’adresse bien au 36-15 d’jeun’s ? C’est pour vous signaler que vous avez oublié votre dentier à votre réunion des anciens combattants d’Indochine.


Comment peut-on être soi-même d’une génération encore relativement jeune, tremper dans un milieu adulescent et même jeune ado – le public du Chef Otaku doit pas être franchement âgé de ce que je lis niveau commentaire – et être à ce point à côté de la plaque ? Monsieur Labecot, vous croyez que la génération qui nous a succédé au collège écoute encore Le Donjon de Naheulbeuk en format .mp3 ? Ils seront campés sur leur smartphone de merde – j’en ai pas, j’ai le droit de pisser dessus – à regarder des vidéos Tik Tok de merde et à chercher à faire les kékés le temps du voyage pour impressionner les gueuses. Vous avez le même âge que moi, monsieur Labecot, vous avez comme moi connu l’arc Okinawa de GTO… même s’il date de la décennie 1990, il reste encore à ce jour un exemple de ce à quoi ressemble une excursions de collégiens/lycéens en voyage.

Mais c’était avant les smartphones et les... élèves qui n’avaient rien à foutre dans un collège. Notez le caractère allusif de la périphrase pour rester dans les clous. Lira entre les lignes qui saura plisser suffisamment les yeux.


Tantôt c’est un lycée français où on évolue au départ, puis ça vire au format américain, avec la « Bully » et sa veste de rocker – je vous jure – qui veut tabasser le gros. On est sur du PNJ Taverne de compétition, celui qui créé de l’adversité sans aucune raison ni la moindre amorce.


Tous les dialogues sont écrits avec le cul, c’est grossier, jamais naturel, toujours forcé et sans une once d’authenticité derrière. Même une I.A serait plus humaine dans l’expression de personnages de son cru. Mais Le Chef Otaku, c’est pas de son cru qu’il les a sortis ses personnages. Le reste non plus, d’ailleurs.


Oh et puis, la love interest avec ses graaaaaands yeux qui tient son cartable contre elle en courant… je fais déjà une overdose de poncifs mal inspirés et j’en suis qu’au deuxième chapitre. J’ai bien compris que vous vouliez nous faire une Inoue mes bons enfants… mais au moins, au départ, Inoue avait des gags à elle, une personnalité… qui se sera certes plus tard confondue avec ses nichons. Mais avant d’avoir l’infamie, y’avait quelque chose.

Là, y’a rien. Mais j’admets que du « rien », il y en a ici beaucoup. On étouffe, même, comprimé qu’on est par l’excès de vide.


C’est un scénario Battle Royale croisé Gantz. Les lycéens se retrouvent à devoir survivre au cours d’une excursion qui tourne mal, il leur faudra rapporter des points en combattant dans une arène pour pouvoir partir. Excepté qu’ici, point de contexte n’est en cause pour être attiré dans ce nouveau monde ; la magie s’opère, on les téléporte dans un univers fictif et démerde-toi avec ton Isekai format prisunic. Pourquoi sélectionner comme offrandes des lycéens qui ne savent pas se battre ? Pourquoi à ce moment précis et pas un autre ? Pourquoi ce genre d’événement – à savoir la disparition massive de dizaines d’individus – n’a jamais été répertorié par le passé ?

Comment ? Pourquoi ? Parce que ta gueule.


Je n’aime pas nécessairement avoir les réponses à tout ou même à m’intéresser au scénario global du moment que le contenu me divertit ce qu’il faut pour que je n’ai pas besoin de m’y intéresser. On appellera ça la jurisprudence Liar Game. Seulement, puisque je n’ai rien à me mettre sous la dent le temps de ma lecture, je cogite. Tandis que je me demande comment pareille déjection a pu atterrir sous mes yeux, d’autres interrogations se multiplient, chacune concernant les malfaçons béantes dont est fait Arena.


Il n’y a aucun sentiment de détresse, de danger, de gravité. Ils sont téléportés dans un monde pour jouer dans les jeux du cirque ; ça a l’air anecdotique. Les personnages meurent sans qu’on y jette deux coups d’œil, que ce soient nous ou bien les survivants, d'ailleurs. Rien n’est naturel dans les réactions. À aucun moment on n’a peur pour eux. Comme pour le reste de la lecture, on attend que ça se passe.


Ah oui. Dans ce monde où ils ont été téléportés, ils sont plus fort parce que c’est sûrement « dû à la gravité ou l’atmosphère ». C’est encore une vraie citation. Une explication fainéante qui ne gagnera jamais à être approfondie sérieusement par la suite. On sent que monsieur Labecot s’est penché longtemps sur son œuvre, qu’il y a réfléchi diligemment avant de l’accoucher sur papier. Cet ouvrage n’est fait que de rigueur. Une rigueur passée au travers d’un système digestif si on se fie au rendu.


Fidèle au format Webtoon, l’action y est médiocre, brouillonne, aseptisée et surtout… dépourvue d’imagination. C’est pas le support qui veut ça, mais il semblerait que tout ce que le monde artistique tendance bande-dessinée compte de feignasses s’oriente vers lui.

D’ailleurs, l’esthétique, le cadre dans lequel évolue l’univers, tout cela transpire Tower of God à plein nez. Les phases de cafétéria notamment.


Pour le reste, le « pouvoir », est un RPG déguisé derrière un « Oui, mais technologie » avec système de stats très mal exploité. Ça aurait pu être intéressant, à condition qu’on y trouva de la matière derrière. Les approches de tout ce qui tient à l’univers sont soit pompées ailleurs (Gantz pour gagner des points après chaque combat et acheter des armes, une résurrection ou sa liberté), soit superficielles en diable.


C’est incroyable. Après le premier combat dans l’arène, l’auteur avait un boulevard, que dis-je, une galaxie pour présenter un peu chacun des élèves survivants, les développer un tant soit peu ; pour au moins qu’ils trouvent un semblant de grâce à nos yeux. Il n’en a rien fait, se contentant plutôt d’une exposition de l’univers au format lourd, condensé et académique.

Arena est un patchwork mal assemblé d’un auteur qui aurait puisé sans parcimonie dans le puits d’autres œuvres qui lui avaient plu et dont il a voulu faire un mélange. Un mélange qui ne détonne pas trop, Battle Royale, Gantz et Tower of God s’harmonisent assez bien ici… mais sans une valeur ajoutée et avec un lot de carences monstrueux.


Au passage, je suis sûr que si Mélissa a essayé de se suicider, ça n’était pas pour échapper à leur sort, mais parce que ses camarades ont entamé la chanson des Minikeums.


Les autres aliens ne seront cependant pas aussi bien inspirés que ceux de Gantz ou bien de Cobra ; imaginez-vous l’effort le moins conséquent qui soit pour élaborer une créature humanoïde et extra-terrestre ; vous ferez alors preuve d’encore plus d’imagination que la dessinatrice.

Tiens, question con. Impertinente aussi. Quand Mehdi se met à prier, il le fait dans quelle direction ? Parce que, perdu au milieu de l’espace intersidéral, c’est pas non plus évident de situer la Mecque je pense.


Le fait de devoir tuer des adversaires qui, comme eux, sont victimes de la téléportation et ne veulent pas se battre était une bonne addition. Mais il aura fallu que l’auteur fasse de Cédric une sorte de psychotique spontané à tendances manipulatrices forcenées. Au moins, le Chef Otaku assume pleinement de ne pas savoir écrire ses personnage en nous en faisant des démonstrations ostensibles à chaque planche qui vient. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas de complexe en la matière.


La cruche de rouquine embrasse spontanément le héros, parce qu’elle est une cruche, et parce qu’il est le héros, et aucun personnage, sur les plusieurs dizaines de protagonistes humains en lice, n’est jamais développé. Ah si, on se plaira tout de même à nous rappeler à quel point Mehdi est un homme de foi vertueux. Je n’y vois là aucunement la trace d’un quelconque prosélytisme larvé, Clarity étant, j’en suis persuadé, une dessinatrice aussi impartiale dans le traitement de ses personnages qu’elle est talentueuse.


Seize euros le volume, tout de même. Je comprends qu’il y ait des économies d’échelle, que le manga – aussi étriqué soit-il sur le plan graphique – est en couleur ; ça fait cependant cher la douille avec laquelle on se met un pruneau.


Toutefois, ça reste la composition de quelqu’un qui avait des idées en tête. Pas nécessairement des bonnes – quoi que les sources inspirations ne sont pas toutes mauvaises – avec qui plus est un contenu excessivement mal exploité. Mais on retrouve indéniablement une volonté de bien faire, même si celle-ci s’avère évanescente. Ce serait cracher sur l’auteur plus qu’il ne le mérite que de renvoyer Arena dos-à-dos avec ce Goodies excrémentiel qu’avait pu être le Ki & Hi de Kévin Tran. Arena n’a pas été dessiné pour le fric, c’est chose certaine, et il vaut sincèrement mieux que la majorité des Webtoons avec lesquels j’ai pu me salir la rétine. Mais le support étant ce qu’il est, ça n’est pas être franchement flatteur que de relever cet état de fait.

Josselin-B
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le 28 juin 2024

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Josselin Bigaut

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