Depuis plus de trente ans Michel Weyland alimente avec constance la fantasy franco-belge avec la blonde Aria : un univers à la fois rassurant et âpre qui a connu quelques évolutions.
Attention, certains spoilers se sont glissés dans la critique.
Lorsqu’en 1979 Michel Weyland crée Aria pour le journal de Tintin, il cherche avant tout à se faire plaisir. Elle est une guerrière sans attaches, libre et bien dans sa peau évoluant dans un univers fantastique d’apparence médiévale riche d’un bestiaire et de rites magiques forts inventifs : « Aria répond à un besoin d’évasion, de sortir du béton, de l’acier, de la pollution... Cet univers me permet de dessiner la nature, des vêtements et des maisons différentes ». Pour l’aspect de son héroïne, l’auteur nous dit s’être inspiré tout d’abord de la chanteuse du groupe Abba, Agnetha Fältskog, son visage ayant évolué par la suite. Son caractère aussi subira quelque inflexions. Dans le tome 18, Vénus en colère (1996), nous est dévoilé le viol qu’elle a subi adolescente. Désormais son passé aventureux n’apparaît plus comme le fruit d’une nature curieuse, joviale et entreprenante, mais comme une fuite perpétuelle, conséquence d’un traumatisme. Cette évolution ne fut pas anticipée par Michel Weyland, très adepte d’une certaine spontanéité dans la création : « c’est un personnage que je découvre au jour le jour. Lorsqu’un enfant naît, on ne sait pas ce qu’il va devenir ». Un enfant, Aria ne tarde d’ailleurs pas à en avoir un (T.20 et 21, 1998-99).
Blessures et guérisons
Son fils – Sacham – est atteint par une malédiction, due aux eaux d’un lac magique dans lequel elle était jadis tombée (T.4, 1984 !). La peau du nourrisson est couverte d’écailles et il connaît une croissance accélérée : en quelques mois il a déjà la stature d’un adolescent : « Il était évident pour moi qu’un jour Aria serait mère... mais je me suis retrouvé piégé : je ne la voyais pas avec un bébé et des casseroles, alors il fallait que je trouve une astuce pour que Sacham soit rapidement indépendant ». L’enfant d’Aria sera bientôt guéri, grâce à cette magie psychanalytique si particulière à l’univers de l’auteur, où l’on exorcise en même temps passé et démons. Autre blessure bientôt réparée : Aria retrouve ses parents, dont elle avait été séparée petite et qu’elles croyait morts (T.33). Si un certain mysticisme infuse la série, elle est aussi traversée par des problématiques contemporaines. Les épisodes 30 et 31 se font ainsi clairement l’écho des angoisses de l’auteur face à l’essor de l’intégrisme religieux. Quant au nouvel album, il met en scène un serial killer n’ayant rien à envier à ceux des romans de Thomas Harris et face auquel la mièvrerie n’est pas de mise. Ainsi la série Aria apparaît comme un refuge imaginaire utopique, un idéal champêtre et harmonieux, qui serait régulièrement menacé et envahi, mais tout aussi régulièrement rééquilibré et nettoyé.
Véronica Antunez et Vladimir Lecointre