Pour le 50e album de l’excellente saga Spirou et Fantasio, Morvan et Munuera décident de frapper fort ! Et qu’on le veuille ou non, Aux sources du Z constitue un moment fort de la série, un épisode clé, et sans doute un des albums de Spirou les plus ambitieux que notre groom belge préféré ait connu.
Venant des auteurs de trois des pires épisodes contemporains de la saga (Paris sous-Seine, L'homme qui ne voulait pas mourir, Spirou et Fantasio à Tokyo), ceux-là même, qui, après le relatif maintien à flot permis par Tome et Janry, ont clairement entraîné Spirou en-dessous de la ligne de flottaison avec Paris Sous Seine, la surprise est excellente. En effet, si la modernisation du graphisme des personnages peut déplaire à certains, le dessin n’en reste pas moins fluide, pas désagréable et conserve une relative fidélité aux Spirou et Fantasio que nous connaissons bien, même s’il a tendance à transformer Spirou et Fantasio (et Spip !) en rien de plus qu’en personnages dignes de n’importe quel Super Picsou, ce qu’on peut déplorer, et à raison.
Le principal défaut qu’on pouvait accorder aux épisodes de Morvan et Munuera, outre une certaine cartoonisation très avancée, était essentiellement la faible qualité des scénarios, d’une platitude que seul le revêtement d’une autoroute aurait pu arborer fièrement. Or, c’est justement ce qui fait le principal intérêt du tome 50, Aux sources du Z. En effet, le scénario est entièrement basé sur les paradoxes temporels permis par une invention de Zorglub qui donne à Spirou et Fantasio (et Spip !) l’occasion de traverser plusieurs de leurs anciennes aventures, redonnant au lecteur un regard radicalement nouveau sur certains épisodes de Franquin. Car ce 50e tome se veut avant tout un hommage à Franquin, et de ce point de vue-là, la référence, qui est ce que Morvan et Munuera savent faire le mieux, fonctionne pour une fois très bien, d’autant plus que ces références sont internes et renvoient à d’autres tomes de la même saga. En ce qui me concerne, j’ai donc pris un grand plaisir à suivre un scénario très construit, qui parvient à nous donner un nouvel œil sur une grande partie des aventures vécues jusqu’ici, sans pour autant révolutionner toute la série (sauf en ce qui concerne la fin).
Pour le reste, malheureusement, l’humour reste souvent trop simple voire assez puéril et la psychologie sommaire (chez Franquin, au moins, il n’y avait aucune volonté de faire de la psychologie !). Mais c’est surtout la fin qui est extrêmement discutable, introduisant par un rebondissement inattendu, un renouveau scénaristique intéressant, mais qui lui, rompt trop avec l’esprit de la saga, effaçant d’un coup tous les albums précédents, auxquels ce tome rendait pourtant hommage. Une nouveauté sans précédent qui explique sans doute l’immense déception des fans…
Dommage, parce que cet album comporte tout de même son lot de bonnes surprises, qui permet un croisement intéressant et relativement intelligent entre le Spirou ancienne génération, celui dont on ne peut qu’être fan, et le Spirou new age, souvent décevant, mais qui se révèle avoir plus de qualités qu’il n’en avait l’air. Malheureusement, cette bonne surprise qu’aura été ce 50e tome n’aura été que passagère, Morvan et Munuera ayant été débarqués de la série juste après. Ce n’aurait pas été une mauvaise chose, si les auteurs suivants ne s’étaient pas montrés encore plus désastreux...