Ayako
8
Ayako

Manga de Osamu Tezuka (1972)

100ème note !


Il est rare que, de nos jours, on entende encore parler d'Ozamu Tezuka. Lui ayant pourtant créé un art (pas un sous-genre), l'ayant perfectionné et lui ayant fait atteindre un niveau difficile à surpasser, son nom s'oublie peu à peu. Et cela malgré les multiples surnoms qu'il a reçus, le Dieu du manga, le Père du manga, et j'en passe. Il s'efface et se périme. Dans quelques générations, plus personne ne saura le grand homme qu'il a été.
Nonobstant certains mangakas essayant de prendre la relève (Naoki Urosawa), rare sont ceux s'intéressant à lui, et à son héritage. Il est mort, les morts sont morts. Tous sont obnubilés par les mangas plus récents ne pensant qu'à un seul mot : "ArGeNNNNNt !!!", la Shueisha n'éditant que dans un but lucratif. Les Shônen se ressemblent tous les uns aux autres à tel point que la seule chose qui les différencie est le nom des personnages (black clover est l'exemple parfait du cliché. Que de combats gagnés grâce au pouvoir de l'amitié, que de propos insensés menant toujours au pathos). Que d'œuvres sans âme ni fond. Et c'est dommage. Bien dommage.


L'histoire prend place dans un Japon d'après-guerre. Un homme, Jiro Tengé, revient des champs de bataille, mutilé. Il y retrouve sa famille, et apprend qu'il a une nouvelle sœur, Ayako, dont l'identité de la mère est incertaine.


Quelqu'un a-t-il dit le mot "héros" ? Ou encore les mots "force", "courage", "volonté" ? Lisez Ayako. Vous oublierez ces mots. Vos idées changeront, vous n'en ressortirez pas indemne.
S'il y a un mot pouvant qualifier la famille Tengé, c'est pourri. Tous les personnages sont pourris jusqu'à la moelle. Tous sont des ordures de la pire espèce. Tous ne pensent qu'à eux et n'hésitent pas à tuer pour leur propre bien. Mais tous sont solidaire, la guerre est familiale. Aucun n'en échappera, même le plus "normal" d'entre eux a déjà été perverti. Chacun essaye toujours de tromper l'autre. Les conspirations sont nombreuses, tout autant que le nombre de victimes. Les mensonges fusent, la vérité se veut cachée, et n'en sera pas toujours découverte. Des héros, ce livre n'en proposera aucun, tous les personnages transcendant ce que le mot "anti-héros" implique.


Ayako en subira les lourdes conséquences. Une sentence abominable pour une fille de quatre ans. Enfin, même les mots horrible, inhumain et effroyable ne sont assez puissants pour correctement décrire le sort de la malheureuse jeune fille. Nageant en pleine incompréhension et en pleine naïveté, le regard d'un enfant perdu est déchirant. Sa recherche d'un lien maternel, d'une quelconque affection ou d'une réponse tout simplement, nous rend pathétique, tout autant que nous sommes. Ayako arrive à nous émouvoir. Même le plus insensible d'entre tous peut y passer. Mais on ne nous émeut pas en abusant d'un romantisme effréné, on le fait grâce à l'injustice d'une famille ignoble.
Et bigre... on prend des claques. Et des grosses, qui plus est. L'œuvre reste réaliste, et est par son réalisme fichtrement effrayante. Rarement la pitié aura été si forte dans un manga. Une pitié morbide et touchante, qui ne cesse de s'accumuler. Des oeuvres comme ça, ça se compte sur les doigts d'une main.
Le seul et unique reproche - si seulement s'en est un - que je pourrais dire et de ne pas avoir poussé ce réalisme plus loin qu'il ne l'est déjà. Mais on en a déjà eu bien assez. Plus aurait sans doute été de trop.


Mais bon. Ayako, ça parle d'abord d'espionnage, de meurtres, et de complots. Une vision globale nous permet de tout savoir (ou presque) et on observe les événements d'un point de vue extérieur. En pleine connaissance de cause, les mensonges et conspirations sont d'autant plus frappants. Car la vérité, finalement, nous et nous seul la connaissons. Et comme le manga s'étale sur plusieurs années, lorsque certaines des vérités ressurgissent, on se souvient. On se souvient de ce qui s'est passé. On se rappelle des meurtres commis. On se remémore les événements antérieurs, et... fichtre ce que ça fait mal. La fin tient ses promesses, fidèle à ses principes. Prise entre punition, vengeance et peut-être destin, elle conclut l'histoire avec ce qu'il faut pour satisfaire.


Si vous ne connaissez pas l'auteur, peut-être les dessins vous choqueront. Car à défaut d'être d'une précision extrême, sa plume n'est que peu détaillée, et le trait est plutôt épais. Ozamu Tezuka, comparé à Takehiko Inoue, c'est du dessin d'enfant (en partant du principe qu'un enfant dessine mieux que nous). Mais doit-on vous prévenir qu'une page de Tezuka a beaucoup plus de force qu'un manga entier de Hiro Mashima ?


Ayako, c'est à lire avec précaution. Si vous êtes dépressif, ne vous lancez pas dans une telle lecture ; adonnez-vous de préférence à autre chose. Une comédie par exemple.
Si, par contre, vous êtes au maximum de votre forme, prêt à en prendre plein les dents, préparez des antidépresseurs. Cela vous sera bien utile, votre vie sociale en dépend.
Et si, avant tout, vous êtes fan de mangas et/ou fan de morbide et sordide, c'est une lecture à ne pas manquer. À ne surtout pas éviter.


Bonne lecture.

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le 28 nov. 2020

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Japonirisme

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