Pour fêter le 50e anniversaire du héros le plus emblématique de la maison, DC fait appel à Sam Hamm (qui vient d'écrire le scénario du Batman de Tim Burton) qui doit produire un run en trois parties aboutissant au numéro 600 de Detective Comics (mai 1989). Celui-ci livre un scénario complexe et original qui s'articule comme un film d'action ou d'espionnage. Il est ici question avant tout de Bruce Wayne et de l'homme public, ébranlé par un scandale qui touche sa société, Wayne Tech Enterprise, dont le matériel de pointe est convoité par un mystérieux cartel qui en a infiltré les bureaux de recherche & développement.
Hamm propose un scénario particulièrement visionnaire pour son temps, mettant en scène l'utilisation de drones, d'exosquelettes, d'implants, d'humains contrôlés à distance, tout en restant profondément ancré dans son époque avec l'ingérence étrangère d'agents communistes russes, de la Libye, citant le Watergate et le scandale Iran-Contra. Il ira même jusqu'à créer un Etat islamique en Syrie et en Irak ! Un parfum de géopolitique qui en fait une œuvre assez mature et sombre. Bruce Wayne est ici exposé dans ses moindres faiblesses, notamment la solitude et la mort de ses parents, et sur le dernier chapitre, les remords liés à la mort de Jason Todd, le deuxième Robin, qui lui reviennent en miroir avec le destin tragique d'une sœur et d'un frère qu'il prendra sous son aile le temps de ces trois épisodes.
Le récit consacre également le parcours initiatique de Bruce Wayne lorsqu'il quitte Gotham pour apprendre auprès de mentors en Asie, au Moyen-Orient et en Europe, dont un certain Henri Ducard, barbouze français qui a pris le jeune Bruce Wayne sous son aile pour lui enseigner les ficelles du métier de détective. On retrouvera Ducard un an plus tard intégré au canon officiel publié dans Secret Origins #1.
La force du narratif de Hamm réside dans le suspense qui entoure la révélation de l'identité secrète de Bruce Wayne, plusieurs fois démasqué au cours du récit, ainsi que l'ambiguïté et la complicité entretenues par le commissaire Gordon. Tout est vraiment bien mené de bout en bout, c'est l'un des meilleurs narratifs de Batman.
Du côté des bémols, le dessin est très marqué par son temps -- personnages aux visages anguleux, traits incisifs, effets de mouvements très appuyés, mais reste de bonne facture dans l'ensemble, certaines pages fourmillent de détails et le cadrage est particulièrement réussi.
Note finale : 7,5, car la partie graphique ne soutient pas la comparaison avec les meilleurs titres de Batman, mais c'est un vrai classique à lire.