J’ai du mal avec les œuvres récentes de Grant Morrison. Ce n’est pas un secret ; depuis son X-Men – qui est d’ailleurs le premier de ses travaux qu’il m’ait été donné de lire – je trouve qu’il a perdu de sa superbe, jouant la carte du délire pour le délire, et donnant l’impression d’être appelé sur les principaux titres DC/Marvel soit pour attirer un nouveau lectorat, soit pour détruire un univers. Son Final Crisis, pour ne citer que lui, est une horreur. Il s’agit pourtant d’un scénariste que j’ai appris à apprécier au fil des années, avec ses passages sur Animal Man ou Doom Patrol, et surtout son très personnel The Invisibles, que je trouve génial.
Néanmoins, son récent travail sur Batman – ou du moins une partie de celui-ci – jouit d’une bonne réputation. Curieux de découvrir le fameux Batman de Clichy-sous-Bois, j’ai fini par céder à l’appel de Batman, Inc.

Et effectivement, j’ai trouvé son scénario sur cette série tout-à-fait appréciable. Plus « calme » que sur d’autres séries récentes, il nous offre une sorte d’exercice de style, avec une trame narrative à la fois élaborée et lisible, un soupçon de délire largement justifié par le scénario, et un véritable respect du mythe Batman.
Plus que du respect, Grant Morrison s’amuse énormément avec le personnage, et surtout avec certains éléments de sa mythologie que DC Comics préférerait oublier. En effet, il fut un temps où, outre les attaques des critiques – qui le jugeaient trop violent ou trop immoral, obligeant l’éditeur à apporter des changements au titre – et l’influence de la délirante série TV, les auteurs ont introduit dans cet univers des éléments qui nous paraitraient aujourd’hui surréalistes. Apparemment, Grant Morrison adore cette période et reprendre ces concepts d’un autre temps, comme la Bat-Family et son légendaire Bat-chien nommé Ace. Plusieurs « néo-Batman » de la série Batman, Inc., aussi étranges qu’ils paraissent, sont en réalité des reprises de vieux personnages que seul un passionné de Batman complètement défoncé pouvait connaitre et apprécier.

Au-delà du délire entourant la démarche même de vouloir créer une franchise de super-héros Batman, les aventures de ces personnages contre l’organisation Leviathan sont tout simplement bien écrites. Batman va en même temps parcourir le monde à la recherche de nouveaux alliés, et affronter cette menace avec les alliés en question ; ainsi, même si le passage constant d’un lieu à un autre pourrait donner à l’histoire un rythme saccadé, le mélange de ces deux aspects permet d’obtenir un scénario prenant de bout-en-bout. De plus, tous ces héros aux styles divers – que ce soit dans leur environnement quotidien ou dans leur façon de combattre le crime – offrent à l’auteur la possibilité de varier les plaisirs.
Par contre, il est regrettable que le dessinateur change aussi souvent ; d’autant plus que la première partie de l’histoire, dessinée par Yanick Paquette, impose des standards graphiques difficiles à égaler. Il s’agit peut-être d’une volonté de l’auteur – changer de coup de crayon pour bien montrer la différence entre chaque nouveau membre de la Batman, Inc., un peu comme il l’avait fait sur 7 Soldiers of Victory – mais j’ai cette fois trouvé cela dommageable, et pas forcément justifié dans la mesure où il arrive que ses héros se croisent, ce qui met à mal le concept de départ.
Mais à part ça, il s’agit d’une bonne lecture, avec pour le coup un adversaire aussi redoutable que fascinant. Cela me donnerait envie de tester ce que l’auteur a pu écrire sur la principale série Batman.
Ninesisters
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le 9 nov. 2012

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