Il y a quelques semaines, j'ai lu Batman : Joker War – tome 1, qui compile les 7 premiers fascicules du run de James Tynion IV sur le comics Batman (numéros 86 à 92), c’est-à-dire l’après-Tom King. Et il faut entendre « après-Tom King » au sens le plus fort : ce n’est pas pour rien d’ailleurs qu'Urban intitule ce volume « Joker War » au lieu d’en faire le Batman 13 qui aurait clairement rappelé qu’il faisait suite à quelque chose. Et de fait, si l’on ne ressuscite pas les morts, l’objectif est bien de permettre aux nouveaux arrivants de découvrir les comics Batman sans avoir à s’ « infliger » les fascicules précédents, tout en réconciliant la série avec ceux qui abhorraient le run de King.
Au contraire de sa tentative assez auteurisante d’explorer l’essence du chevalier noir, Tynion IV livre en effet avant tout une histoire aussi convenue que possible, de la bagarre, un méga-complot de méchants, le Joker qui tire les ficelles à la fin, une course a qui aura un quinzième coup d’avance sur l’autre, bref du déjà lu mille fois.
Il va de soi qu’à titre personnel, j'aime mieux l’audace que ce retour aux sources où rien ne surnage, au mieux assez joli, même si le changement constant d’artiste (sans doute pour qu’ils puissent travailler simultanément sur différents numéros et permettre une publication régulière) sans justification tonale ou thématique crée une désagréable inconstance dans le parcours des pages.
Et même en essayant de comprendre qu’il « faut » sans doute refaire du Joker, parce que c’est le Joker, même quand on n’a rien de nouveau à raconter avec ou sur le personnage, rien n’est plus réussi que le fascicule où l’on tente de nous faire croire à l’apparition d’un autre super-vilain (en vain, le titre nous a déjà tout spoilé), et plus déprimant que de constater l’échec cuisant du nouveau personnage tant médiatisé de Punchline, petite amie du Joker, balancée sans ménagement quand son arrivée aurait dû être spectaculaire pour justifier un tant soit peu le « remplacement d’Harley », ou au moins son intégration curieuse à la mythologie, que nous comprenions au moins quel intérêt le Joker a pu trouver à s’associer à nouveau à un acolyte caractérisé…
Bref, après un run qui avait ses hauts et ses bas, mais passionnant dans sa démarche, retour au comics pour vendre des jouets, en espérant (sans y croire) que la suite d’une Joker War dont on a à peine esquissé les préparatifs seront plus intéressants, et surtout qu’un véritable run post-King, avec de la personnalité, se prépare dans l’ombre, au loin, quelque part…
(initialement publié sur l'instagram de Comics have the Power : https://www.instagram.com/p/CGrESyVhhFb/?utm_source=ig_web_copy_link, en complément du débat que j'avais eu avec mes collègues de Batman Legend : https://www.youtube.com/watch?v=rel8HqDXei8&t)