Battle Royale par Ninesisters
Battle Royale, c’est tout d’abord un roman de Kôshun Takami. C’est ensuite un film culte avec Takeshi Kitano, qui replace l’histoire dans un Japon plus contemporain en lieu et place de la République d’Extrême-Orient. C’est enfin un manga qui se propose d’adapter le roman, tout y en modifiant quelques éléments. Par la suite, nous avons eu un second film où des étudiants étaient chargés de buter des terroristes mais dont la moitié se faisaient tuer par les militaires avant de voir le moindre terroriste (très pratique) et un second manga qui a une réputation de merde et que je n’ai donc pas lu.
Mais revenons au manga premier du nom.
Je me souviens, lorsque ce manga paraissait en France, je faisais parti d’une classe de 70 élèves, nous étions deux à acheter chaque nouveau volume, et nous les faisions tourner pendant les cours de maths ; au final, nous devions être une vingtaine à suivre la série de cette façon. Il faut dire que le film, la version par laquelle nous avions connu la licence à sa sortie, avait une bonne réputation d’œuvre barbare et sanglante, et évidemment cela nous interpellait. Par rapport au film, le manga – qui couvre tout de même 15 tomes – prend plus le temps de développer chaque personnage, chaque passé, afin de nous permettre de mieux les comprendre. Durée plus limitée oblige, le scénario du film passait par quelques raccourcis ; par exemple, Tsukioka Shô est inclus dans le film dans une tuerie de plusieurs participants, là où dans l’histoire d’origine il a droit à son propre passage. Surtout, ceux qui ont trouvé le film trop gore à leur goût peuvent éviter le manga, qui va beaucoup plus loin dans la violence, le sadisme, et le sexe.
Le sexe est un élément indispensable de Battle Royale. Dans le film, il n’est évoqué que le temps d’une séquence de quelques secondes : nous voyons deux garçons nus et lacérés, et Mitsuko Sôma en train de se rhabiller ; nous pouvons aisément imaginer ce qui a pu se passer. En tant que personnage parmi les plus meurtriers de l’histoire, Mitsuko Sôma est longuement décrite dans le manga, nous apprenons qu’elle a été violée très jeune – les scènes à ce propos sont très explicites – et qu’elle a utilisé son corps comme arme bien avant le programme Battle Royale. Elle caractérise assez bien le côté absolument glauque de Battle Royale, fortement édulcoré pour le film, ainsi que toute la violence psychologique qui s’en dégage. Si ce genre de choses vous offusque, passez votre chemin.
Le dessin laissera probablement nombre de lecteurs septiques. Représenter les cadavres et les viscères, c’est une chose, mais pour bien différencier chaque personnage, le dessinateur les a affublé de physiques atypiques et fortement reconnaissables. De nombreux garçons ne sont pas aidés par la nature et auraient même leur place dans un musée des horreurs, tandis que les filles sont généralement des créatures plantureuses, suantes, avec des culottes aussi moulantes qu’apparentes, à faire rougir de honte les personnages de Enfer & Paradis.
Battle Royale est en quelque sorte le maitre-étalon du survival horror, mais en beaucoup plus consciencieux et sadique que nombre de ses successeurs. Déjà car les personnages se connaissent et ont déjà des différends à régler, mais aussi car chacun est unique, avec sa personnalité, ses réactions, son arme, voire une mort bien spécifique. C’est très varié, il y a un véritable scénario derrière cette débauche d’hémoglobine, nous sentons bien que tout cela provient d’un roman et que l’auteur a pris le temps de développer son univers.
Mais la mauvaise réputation de ce manga se comprend dès le premier tome : dessin atypique, scènes de viol, lycéens qui s’entretuent, Battle Royale va loin dans le sordide, et ressemble à une version porno gore du film, lequel passerait par rapport à ça à une gentille comédie. Ma lecture s’est accompagné d’un mélange étrange de dégoût et de fascination, et aujourd’hui encore je me demande comment j’ai pu arriver au bout à l’époque.