Bienvenue à Néopolis - Top 10, tome 1 par Ninesisters
Peut-on se permettre d'écrire un comics juste distrayant et bien fait quand on s'appelle Alan Moore ? Être l'auteur de titres aussi emblématiques que Watchmen, V for Vendetta, ou For the Man who has Everything impose-t-il certains critères d'excellence ? J'imagine que ce sont des questions légitimes dans la mesure où le nom seul de cet artiste suffit à attirer le lecteur.
Car autant j'ai apprécié Top 10 en tant que sympathique divertissement, autant je n'ai jamais ressenti qu'un auteur de la trempe de Alan Moore se trouvait aux commandes. C'était peut-être le but recherché, toujours est-il que le lecteur doit savoir vers quoi il s'engage avec ce titre : un comics efficace, plaisant, mais pas transcendant.
Le principe de ce comics est simple : Neopolis est une ville où tous les habitants sont des « super ». Dans un monde où l'anormalité devient la norme, où tous les corps de métiers sont assumés par des individus dotés de pouvoirs extraordinaires, tout le monde redevient étrangement humain. Dans ce contexte, nous suivons le quotidien d'un commissariat de police, dont les affaires pourraient paraître banales si elles ne faisaient pas intervenir de la magie, des monstres géants, et autres créatures spatiales transdimensionnelles.
Top 10 contient pour ainsi dire deux histoires, l'un écrite par le scénariste Alan Moore et l'autre par le dessinateur Gene Ha. Cela peut paraitre étrange, mais il faut avoir les albums en main pour saisir.
Celle de Alan Moore, c'est bien celle du commissariat, ses aventures, une histoire centrée sur ses personnages et leurs liens, et qui bien avant la série The Boys de Garth Ennis s'emploie à donner un visage humain des super-héros et de leurs aventures, quitte à sombrer parfois dans le sordide ; si ces individus sont comme nous, ils sont aussi faillibles et c'est pour cela que la police existe. Même si le propos reste avant tout les enquêtes policières, Alan Moore en profite pour tacler (gentiment) les comics de super-héros classiques, allant jusqu'à reproduire leurs luttes les plus épiques au moyen d'un affrontement entre des super-souris et des chatomiques ; un principe séduisant. Chaque histoire est bien écrite, et surtout servie par de bons dialogues. Le ton oscille entre le pur policier, le drame, la satyre sociale, et l'humour, mais avec un humour plutôt noir.
Évidemment, la surabondance de super-pouvoirs autorise d'en inclure quelques-uns tout-à-fait inutiles ou déconcertants. Sans parler des costumes.
De son côté, Gene Ha va donner du corps à l'univers en nous décrivant Neopolis, la remplissant de détails et accumulant les figurants plus ou moins inspirés de figures populaires. C'est ainsi que le lecteur pourra reconnaitre l'équipage de l'Entreprise, SG1, Firestorm, une déclinaison autour des Supernanas, un groupe de musique local nommé « Blue Beatles » ou des versions murines des grands héros DC/Marvel, tandis que le dessinateur nous fait découvrir le comics le plus populaire de cet univers : Businessman, l'histoire d'un homme sans le moindre pouvoir.
Cette précision, ce soucis du détail, permet de rendre Neopolis vivante et crédible, malgré ses excès.
Top 10 s'impose donc comme un bon comics, s'employant à montrer un visage humain des super-pouvoirs, ancré dans le quotidien, dans des histoires sans forcément de grandes prétentions mais très agréables à parcourir. Probablement pas un incontournable ni même un grand titre, mais une œuvre indubitablement divertissante qui sort des canons du super-héroïsme, même si de nombreux autres séries ont suivi une voie similaire. Son principal défaut provient probablement de son concept lui-même : la banalisation – ici des super-pouvoirs – n'autorise pas à proposer des aventures extraordinaires, nous sommes plus proches d'une version comics pervertie de Law & Order. L'autre soucis, c'est que le nom de Alan Moore sur la couverture attirera des lecteurs attendant un contenu plus recherché et mémorable.
Personnellement, je ne regrette pas mon achat.