Titre trompeur s’il en est. J’y croyais pourtant dur comme fer à mon manga dans le milieu des médias japonais. Un de ces contenus à la fois enthousiastes et complaisants comme les auteurs japonais savent si bien le faire, soucieux qu’ils sont de ne surtout pas susciter la controverse en ayant le culot insigne de critiquer quelque institution que ce soit. De la NHK, chaîne télévisée japonaise, il n’en sera aucunement question, et on le regrettera bien assez tôt.


Il s’agit en réalité d’un manga dont on me jure qu’il est une juste introspection dans le milieu des hikikomori, ces asociaux japonais vivant en reclus. L’auteur, pour en avoir été, relatera supposément son expérience. Cela, avec son lot de fantasmes, d’approximations et autres diluants qui contribueront à dissoudre jusqu’au moindre soupçon de crédibilité que pourrait être susceptible de couvrir son propos. Le sujet est intéressant, il y a matière à exploiter, mais l’auteur n’aura contribué qu’à dilapider le contenu pour on ne sait trop quelle raison. Ou peut-être car il est justement incapable de narrer quoi que soit, s'y dispersant dans un lot d’inepties dont il se fera l’intarissable débiteur.


Le dessin ne contribue en aucun cas à surmonter cette première carence, constituant même un deuxième obstacle insurmontable à la lecture ; une barrière de plus venue nous crier « n’allez pas vous infliger ça ». C’est un style qu’on trouve partout, donc qui ne devrait se lire nulle part ; des esquisses qui tiennent du plus basique. Pas quelque chose de simple et de propre à son auteur, ça non. Quasiment des calques des dessins de Beelzebub qui, comme Bienvenue dans la NHK, étaient simplement des transpositions de dessins lambda préformatés. Une stricte photocopie de ce qui se fait de plus mauvais dans le genre. Si mauvais que, si qui que ce soit vous enjoignait à lire le manga pour ses graphismes, celui-ci pourrait s’exposer à de sérieuses poursuites judiciaires. Que ce soit le style, la pagination ou quoi que ce soit se rapportant à l’ordonnancement des planches ; rien n’est plaisant à lire quant à ce qui tient à la forme stricte. C’est un véritable repoussoir à lecteur. Il y a pire, c’est entendu, mais ce n’est pas parce que le cancer du pancréas est pire que le VIH qu’on devrait trouver matière à fêter son sida. Le dessin, en l’état, n’accompagne pas le lecteur dans son voyage, mais le répugne. Quelque chose de si rudimentaire et impersonnel devrait être un motif de honte pour son auteur. Un auteur qui eut alors été mieux inspiré de faire appel à un mercenaire du crayon pour dessiner à sa place et ainsi mieux faire honneur à son œuvre……..


...


C’est le cas. Ils se seront mis à deux pour écrire et dessiner un manga qui aurait gagné à ce qu’on prenne un peu plus soin de lui. Beaucoup plus, à dire vrai.


Le scénario, d’abord nébuleux et mal orienté, part un peu dans tous les sens dès le premier chapitre, mais expose finalement bien assez en très peu de temps. En dépit de maladresses occasionnelles et de lourdeurs insignes – quoi que fugaces – on a une bonne entrée en matière qui pourtant ne paye pas de mine.

On assiste clairement à l’exorcisme du passé d’hikikomori de son auteur. Ça part d’un bon sentiment. Mais des bons sentiments, j’ai dit ce qu’il y avait à en dire, et toujours l’écume aux lèvres. Le fait qu’il y ait tant de glamour et de paillettes dessert le propos. Hikikomori qui lisez cette critique, navré de vous décevoir, mais il ne se trouvera jamais une jeune demoiselle pour vous tomber dessus par hasard, vous accepter tel que vous êtes et vous aider à vous sociabiliser pour que vous puissiez un jour vivre une vie d’individu bien inséré dans le monde moderne. Les efforts ne pourront venir que de vous et de l’aide, vous n’en trouverez pas à moins d’en solliciter. Mais souhaitez-vous seulement qu’on vous aide ? N’y a-t-il pas des raisons objectives au fait que vous soyez devenus misanthropes ? Les causes ne seraient-elles pas aussi extérieures à votre condition ? Le monde moderne, à l’origine de ce phénomène, n’est-il pas à placer sur le banc des accusés lui aussi ? Tant de questions – pourtant cruciales – auxquelles ne répondra jamais l’auteur. Le manga traite alors d’un sujet qui sera abordé superficiellement sinon jamais, au point de n’avoir objectivement aucun intérêt à la lecture.


Faut tout de même être très Japonais pour apprécier ça. Les gags poussifs entourant le phénomène « Lolita Complex » ou « Maid Café » nous conduisent plus volontiers à écarquiller les yeux qu’à déclarer un rire franc. Mais l’incursion parfois violente dans le milieu Hikikomori et toutes ses dérives conduit toutefois à quelques ricanements. Notamment lorsqu’ils rédigent le parfait « love interest » d’un jeu érotique de leur cru aboutissant à un… certain résultat. Ceci excepté, vous ne risquez aucune crampe aux joues à lire un manga qui se cherche sans se trouver. Il aura eu beau s’essayer à l’humour, la sauce ne prend pas.


Qu’on en revienne sur cette histoire de jeune fille qui est la cause de la remise en question du protagoniste principal ; l’amorce de l’histoire du reste de sa vie. Misaki tombe sur Tatsuhiro pour être son love interest tombé du ciel ; on sait pas pourquoi elle s’entiche de lui, ils se sont rencontrés par pur hasard à plusieurs reprises et cela a apparemment justifié qu’une intrigue soit entamée à partir de là. Une qui va on ne sait trop où. Des nanas qui s’intéressent à des hikikomori, y’en n’a pas des masses… le contraire serait-il de rigueur qu’il n’y aurait justement pas d’hikikomoris. La question de la déliquescence des relations homme-femme dans le monde occidentalisé – dont fait partie le Japon – est un facteur à prendre en compte dans l’équation hikikomori. Il ne sera pas abordé judicieusement.


Et puis… tout ça, pour une histoire d’amour à l’eau de rose ? Et je dis eau de rose pour ne pas dire eau de chiotte. Ça n’est parti de rien pour arriver nulle part comme cela était entendu dès le premier chapitre. Je ne comprends pas qu’on puisse lire des scénarios dont on connaît tout du déroulé jusqu’à la fin et ce, dès l’entame. Encore moins qu’on puisse les apprécier. L’humour fonctionne une ou deux fois le temps des quatre premiers chapitres puis, la trame s’en va en vadrouille partout pour qu’à la fin… tout aille mieux pour le personnage principal sans qu’il n’ait franchement fait d’efforts pour améliorer sa condition. La providentielle Misaki – qui jamais ne vient dans le monde réel – a simplement tout guéri en faisant irruption dans la vie du protagoniste. Riche leçon, merci monsieur Tatsuhiko Takimoto. Si je retiens la morale de ce conte moderne, c’est qu’un hikikomori a juste à attendre que l’aide lui tombe du ciel pour s’en sortir. Belle morale que celle-ci, ô combien instructive.


C’est un de ces mangas dont j’aurai tout oublié du contenu dans deux semaines ; un qui m’aura suggéré un haussement d’épaules sans trop qu’il ne soit en mesure d’évoquer davantage. Il n’y a là que de quoi suggérer un sentiment d’apathie chez le lecteur qui, je l’espère, aura été atterré de lire une œuvre dont les personnages sont convenus, l’intrigue écrite d’avance et les dessins franchement rupestres. Je ne sais pas ce qui conduit la plupart des gens à poursuivre leur lecture de Bienvenue dans la NHK, je sais en tout cas ce qui peut nous intimer de nous en détourner en revanche : le fait de le lire. C’est pas mauvais… c’est vide. Difficile d’argumenter sur le néant ; il est ou il n’est pas, c’est encore tout ce qu’on peut en dire. Et là, il était bien présent. Même qu’on y aura greffé une histoire d’amour sans intérêt par-dessus. Comme quoi, on peut même appréhender des perspectives dans l’inanité même.

Josselin-B
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le 16 oct. 2024

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Josselin Bigaut

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