À la fin des années 70, un homme de petite taille reçoit une lettre et décide d’aller aider la seule amie qu’il n’ait jamais eue. Moqué depuis toujours sur sa taille, tabassé à l’orphelinat et vétéran du Vietnam, il est aussi dur que déterminé. N’ayant désormais plus rien à perdre, il entreprend de se venger méthodiquement de son passé.
Eric Powell a créé la série The goon. Amateur d’humour noir et d’histoires aigres-douces (enfin, surtout aigres), il s’est essayé aux comics avec Hellboy et a produit tout un tas de one shot. Avec Tim Wiesch au scénario, un collègue de Dark horse, il signe ici une terrible histoire.
Big man plans est un drame horrible, un thriller d’une noirceur beaucoup trop réaliste. L’époque, d’abord, est très, très bien retranscrite. L’Amérique homophobe, moqueuse et aveugle à sa propre méchanceté bien-pensante, est cauchemardesque pour celui qui est différent. Le héros ensuite, est ciselé. Une vie de souffrance ainsi qu’une absence d’amour, notamment de sa mère, forge à coups sûrs la plus terrible des psychopathies. Dès lors, le nain règle ses problèmes à la grenade et au marteau. Formé à l’art de tuer par les services secrets, endurant à la douleur, il est ce que les gens normaux appellent un monstre. Mais, vu de l’intérieur, ce monstre est bien plus humain que les ordures qu’il massacre.
Car, si l’histoire est d’une tristesse abyssale, elle est aussi effroyable. Meurtres sanguinaires et scènes de torture brutales, Eric Powell ne nous épargne aucun détail, même les plus sordides (mention spéciale à la poche urinaire). Avec son trait caricatural qui ressemble à un Walt Disney de cauchemar, il dépeint au fil des scènes quasiment monochromes une horreur recherchée, réfléchie et travaillée. Cette quasi-absence de couleur permet de faire ressortir le sang qui éclabousse les pages de rouge comme si on y était. Le héros (le terme ne convient vraiment pas) s’échine à se venger de la pire des manières, et termine en apothéose. Il ne craint pas l’Enfer, il l’a vécu toute sa vie, mais, après de tels actes, il est sûr d’être damné.
Big man plans est l’analyse froide et méthodique de la vengeance d’un tueur psychopathe. C’est horrible, réaliste et, si l’œuvre est de grande qualité, elle est très difficile à supporter. Pour les amateurs du genre dont les tripes sont très bien accrochées.