Arte handia

Au milieu du XIXème siècle en plein Pays basque, un fonctionnaire arrive dans un petit village pour enquêter sur un trésor disparu pendant la guerre. Le suspect est un forgeron à la réputation sulfureuse que tout le monde craint. Il vit à l’écart et sa forge serait, paraît-il, maudite. Attirés par l’appât du gain, quelques villageois prêtent main-forte au fonctionnaire pour mener l’enquête. Parallèlement, une petite fille rejetée par les autres enfants se réfugie dans la forge.

Paul Urkijo Alijo est basque avant tout. Amoureux de sa terre et de ses légendes, il s’efforce au travers du cinéma d’en montrer toute la beauté. Il porte ici à l’écran une légende retrouvée au début du XXème siècle et lui insuffle toute sa culture, à commencer par la langue. Le spectateur se retrouve dans un petit village montagneux en plein Pays basque. Les villageois qui mélangent foi et superstitions peinent à se remettre de la guerre. Le curé les guide suivant ses propres opinions et ses propres croyances. Par ailleurs, l’affrontement avec le gouvernement est déjà d’actualité. Dans ce village, il fait froid, les vêtements sont déchirés, les maisons enfumées et l’argent toujours rare. La reconstitution est une grande réussite depuis les ustensiles du quotidien aux costumes en passant par les chemins boueux.

Les acteurs démontrent un talent remarquable. La prestation de la petite Uma Bracaglia est stupéfiante de rébellion et de rancœur. Le jeu de Kandido Uranga tout en retenue ou au contraire celui du bouffon démoniaque de Eneko Sagardoy sont vraiment très bien trouvés. Josean Bengoetxea campe un aubergiste pragmatique qui dirige de fait ce village avec réticence. En général, chaque personnage est habité pour offrir un spectacle extrêmement réaliste.

L’image également est soignée. Les filtres de couleurs annoncent l’ambiance : le froid bleuté de l’extérieur, le jaune solaire du foyer et le rouge des enfers ; on sait où on se trouve d’un seul coup d’œil. Ensuite, le travail de la caméra s’attarde essentiellement sur des clairs-obscurs afin de montrer tous les contrastes de cette histoire. En effet, le réalisateur s’est efforcé de gommer tout manichéisme, ce qui rend attachants tous les protagonistes de cette histoire, même le démon.

Paul Urkijo a pris le parti de dépeindre l’enfer et ses démons à la manière de Brueghel ou de Bosch. Les démons sont baroques, criards et possèdent même des bouches à des endroits improbables. Cela plonge un peu plus le spectateur dans ce passé oublié et tumultueux, sans pour autant minimiser l’effroi qu’ils provoquent.

Erremetari est un voyage temporel au Pays basque du XIXème siècle. La plongée dans les préoccupations et les croyances de l’époque si puissante que le spectateur risque de parler un peu cette langue une fois le film terminé. À ne surtout pas rater.