Eh oui, la "grande fresque historique" de Billy Bat rejoint notre actualité... de 2015 : et cela change tout, puisque après deux tomes fastidieux, qui n'apportaient plus rien à la "mythologie Billy Bat", et s'avéraient même frustrants, ce 18ème volume confronte la liberté créatrice du mangaka à la barbarie de l'Etat Islamique, dont les fanatiques abrutis s'empressent de "châtier" les infidèles et donc de trancher les mains des dessinateurs - ce qui nous donne plusieurs scènes d'une force horrifique remarquable. Ne serait-ce que pour cela, pour le courage d'envoyer ses héros en Irak et en Syrie, pour cette lucidité et cette pertinence, Urasawa replace son manga sur le haut de la pile ! Mais ce n'est pas tout, puisque ce volume conclut assez brillamment plusieurs fils narratifs abandonnés, que cela soit le destin de Mr. Smith ou celui de Kevin Y, ou même le mystère de la grotte de la chauve-souris en Pays Basque espagnol. Et par là dessus - et peut-être est-ce là ce qui est le plus séduisant ici - Urasawa nous propose, à l'occasion d'une nouvelle succession inattendue à la tête de Culkin Entreprises, des éléments de réflexion passionnants sur la dé-matérialisation du livre, et sur le pouvoir politique de l'Entreprise Capitaliste (affrontant ici Russie et Chine) comme soi-disant vecteur de liberté (au sens libéral du terme...). Bref, on trouvera une telle manne d'idées et de sensations au long de ces 200 pages que voilà notre enthousiasme "presque" complètement régénéré. "Presque", parce que, par contre, je ne pense pas que nous puissions nous faire désormais la moindre illusion quant à une résolution satisfaisante de "l'énigme de la chauve-souris" (ou même des deux chauves-souris !). [Critique écrite en 2016]