Depuis le début de "Billy Bat", tous les fans du génial Urasawa sont - j'en ai bien l'impression - comme moi : en pleine valse-hésitation devant ce "Billy Bat" monstrueux que Urasawa est en train de déployer une fois encore... Il est bien difficile de savoir si ce truc, ambitieux en diable, voire mégalo (Jésus, JFK, on a marché sur la lune, et maintenant Einstein, n'en jetez plus...!), va arriver à décoller, comme "Monster" ou "20th Century Boys", ou est désormais tellement complexe - critique de la BD / du manga, parabole politique, univers parallèles, conspiration millénariste, etc. etc. - que rien ne fonctionnera vraiment, et tout finira dans cette "eau de boudin" qui caractérise malheureusement un peu Urasawa lorsqu'il essaye de boucler ses sagas. Eh bien, réjouissons-nous, le Tome 9 décolle, et magistralement, même ! La rencontre avec Einstein, le face à face entre l'horrible Henry et le délirant mangakan Zôfu, et les allers-retours temporels auxquels se livre Urasawa ("je vais aller tuer tes parents !"), l'arrivée de Kevin au village des "zombies" couverts de boue (tiens, la terreur est un registre nouveau pour Urasawa, me semble-t-il, mais quelle maîtrise !), l'illustration de la fameuse théorie conspirationniste sur la mise en scène de l'alunissage... tout cela est absolument stupéfiant, digne des meilleurs moments de "Monster" et "20th Century Boys", pas moins. Et comme ce tome, clé s'il en est, amorce un rassemblement des fils de la narration jusque là bien épars en replongeant vers les scènes initiales du manga dans le Japon de l'après-guerre, on peut se permettre désormais de l'espérer sans trop de crainte d'être déçus, "Billy Bat" va bien être le troisième pilier de l’œuvre d'Urasawa. [Critique écrite en 2014]