Si Black Panther est aujourd'hui un héros plutôt connu et populaire, quand Joe Quesada et Jimmy Palmiotti confient le personnage à Christopher Priest, le perso était un peu tombé dans l'oubli. Les gens connaissaient surtout le personnage à travers ses apparitions dans les Vengeurs où il n'était malheureusement qu'un membre de seconde zone assez éloigné du personnage charismatique présenté par Jack Kirby dans Fantastic Four #52.
Priest va revenir à la racine du personnage, tout en s'appuyant également sur le run confidentiel mais plébiscité de McGregor sur le personnage, paru dans les années 70 dans Jungle Action. Il nous présente un Black Panther qui est le badass ultime. C'est l'essence du héros et c'est ce qu'il fait qu'il est génial, c'est un genre de Batman, intelligent, super balèze et stratège, mais en plus il est roi du Wakanda, petit pays africain, imaginaire, très avancé technologiquement. Et le fait que ce soit un simple humain, sans pouvoirs, mais qui se sort de toutes les situations dans un mélange de flegme et d'arrogance, ça le rend irrésistible. D'ailleurs pour mettre en avant son côté exceptionnel et son aura de mystère, ce n'est pas Black Panther qui narre l'action mais Everett K. Ross, un diplomate absolument ridicule et banal, qui a le tronche de Michael J. Fox, et qui est le contrepoint humoristique de la série.
Qui est d'ailleurs très étonnante puisque c'est un mélange de série géopolitique-espionnage comme les aime Priest, avec une narration puzzle où toutes les pièces s'assemblent petite à petit, mais avec beaucoup d'humour (de la part de la narration de Ross surtout, mais des personnages comme Achebe ou Queen Divine Justice ne sont pas en reste) et bien entendu du super-héroïsme classique puisque le premier arc voit par exemple Black Panther affronter Mephisto (avec le design saurien que lui avait donné Romita Jr à l'époque) et on croise aussi un peu plus tard Kraven (enfin son fils, puisque Kraven était mort à l'époque, mais il a exactement le même look).
Ce qui est vraiment plaisant, c'est de voir Priest installer au fil des numéros tout l'univers de la Panthère. Entre création de personnages charismatiques en pagailles et réutilisations de personnages oubliés, le scénariste s'en donne à cœur joie et la série se peuple rapidement. Et il y a vraiment de belles réussites, comme White Wolf, le frère adoptif de T'Challa, chef de la police secrète du Wakanda et dont la tronche me fait penser à celle de Wolf de Pulp Fiction, ou encore Queen Divine Justice, jeune femme qui adore partir dans de longs monologue parodique sur la justice sociale et qui est vraiment très drôle.
C'est une lecture assez spéciale, puisqu'il faut rentrer dans l'écriture assez exigeante de Priest, il y a ce mélange de ton un peu bizarre et il y a le résumé de tout ce qui faut savoir de l'intrigue pour comprendre l'épisode tout au long de chaque numéro, ce qui peut parfois donner un côté un peu indigeste à l'ensemble, mais ça reste agréable à lire. Avec de bonnes thématiques abordées, des personnages biens brossés, un univers intéressant, de bonnes blagues, quelques grandes scènes et surtout un côté complètement imprévisible puisqu'on ne sait jamais où va aller l'intrigue. Franchement une bonne lecture pour qui veux découvrir Black Panther et n'a pas peur du style de la fin des années 90, que ce soit en terme d'écriture... ou de dessins.
Bien sur, vu qu'on a le droit à 17 épisodes dans ce tome, c'est la valse des dessinateurs, et on a à peu près tout et n'importe quoi. On commence avec le style qui fait très peint et qui est semi réaliste/caricatural de Max Texeira, avant d'aller vers un style un peu plus old-school mais toujours au rendu peint de Joe Jusko, avant de passer à un style un peu Bruce Timm par Mike Manley et enfin de terminer le tome sur le style très 90's de Sal Velluto, qui a en plus la malchance d'être extrêmement mal colorisé par Brad Vancata qui fait vraiment quelque chose de pas terrible (là où le style peinture numérique de Brian Haberlin dans les premiers numéros était plutôt potable).
Mais voilà au final, ça reste quand même un bon début de run, avec trois arcs vraiment très solides (surtout les deux premiers, The Client et Ennemy of the State qui sont devenus des classiques de Black Panther) qui font aimer le personnage et son univers. Et vu l'intrigue entamée dans le troisième arc, on a en plus sacrément envie de poursuivre la série pour voir ce que Priest à sous le coude. Surtout qu'il a terminé l'installation du héros et il peux commencer à aller vraiment en profondeur sur l'univers du Wakanda (puisque l'intrigue est d'abord aux USA, pour attirer le public américain, avant de revenir progressivement vers la nation de Blakc Panther). Bref, à découvrir et c'est bien que Marvel sorte ses gros volumes. En espérant qu'ils se décident un jour à réimprimer également les Jungle Action qui sont désormais introuvables à prix décent.