Quand Kirby revient chez Marvel dans les années 70, il créé de nouvelles séries comme Eternals, mais revient aussi sur certaines de ses créations comme Captain America et... Black Panther ! Bien entendu, Kirby est un créateur d'univers, pas un repreneur, donc il ne reprend aucune intrigue ou élément installé par les autres scénaristes qui ont écrit Black Panther durant l'exil de l'auteur chez DC.
En fait, au début, le King à l'air d'en avoir rien à foutre de l'univers du monarque du Wakanda et il part sur complètement autre chose : on assiste à une sorte de chasse au trésor auquel T'Challa participe contre son gré. C'est dans l'esprit de Jimmy Olsen que Kirby faisait chez DC, avec des personnages ordinaires qui se retrouvent à assister et participer à des intrigues SF totalement folles. C'est très beau, avec encore de belles grandes doubles pages (qui malheureusement disparaîtront au bout de quelques numéros) et c'est très énergique. C'est un peu du indiana jones version totalement barré. Par contre le focus est vraiment mis sur le collectionneur Abner Little avec Black Panther qui est presque son assistant. En fait durant toute la série, on sent que l'auteur trouve T'Challa un peu transparent et du coup lui accole plein de seconds rôles loufoques pour nourrir un peu le récit.
Parmi ces personnages secondaires, il y a la princesse Zanda qui est assez géniale, avec ses looks excentriques et changeant qui rappellent ceux que Kirby donnait à Loki ou Odin, et qui est une alliée/adversaire vraiment intéressante avec son fort caractère et l'emprise qu'elle a sur nos héros.
Du coup on suit Abner et T'Challa dans des aventures improbables face à un homme du futur surpuissant, ou à découvrir la fontaine de jouvence dans une cité de samouraïs immortels protégés par un yéti (!)... On notera d'ailleurs que la façon de rentrer dans le temple du roi Salomon (dans un des meilleurs épisode du tome d'ailleurs) rappelle la façon de rentrer au Wakanda dans le film (de toute manière, j'ai l'impression que le film a vraiment essayé de puiser un peu dans TOUTES les interprétations du perso). Et puis soudainement, à peu près au milieu du tome, Kirby se souvient soudainement de toute la mythologie du Wakanda qui n'était pas du tout mentionnée jusque là. Il évacue alors à toute vitesse l'intrigue des collectionneurs et Black Panther qui essaye de retourner dans son pays au plus vite, dans un parcours qui prend presque les allures du retour d'Ulysse tant les embûches sont nombreuses (il croise même des mafieux corses ou le tournage d'un proto Star-Wars), surtout que pendant ce temps, une crise terrible commence au Wakanda.
Et à partir du moment où la mythologie du pays de T'Challa revient, Kirby se met à plutôt bien l'utiliser et même à l'approfondir. Alors que je pensais la série n'apportait aucun élément important à la continuité du perso, en fait il y a des ajouts assez importants comme l'origin story du vibranium avec la météorite qui créé le mont, Bashenga qui unit les tribus... Et la plus grosse surprise, pour moi, ça a été de voir que le concept du tournoi de baston pour accéder au pouvoir au Wakanda et le fait qu'il y ait eu une régence avant le règne de T'Challa ne viennent pas de Hudlin mais de Kirby ! Avec Black Panther qui apparaît déjà masqué au tournoi.
On a aussi des trucs fous comme le demi-frère de T'Challa qui veut prendre le pouvoir avec son petit costume façon guerre civile américaine très classe, le vibranium pur qui fait muter (je ne sais pas trop ce qu'est devenu cette idée par contre) ou encore la famille étendue de T'Challa avec leurs looks improbables qui en viennent à former les Black Musketeers en l'absence du roi.
Cette deuxième partie du tome est assez palpitante, c'est toujours aussi rythmé, nerveux, avec des enjeux énormes, de la tension, et Kirby à l'avantage de beaucoup moins blinder de textes ses pages que ce que faisait Don McGregor durant son run sur Black Panther dans les pages de Jungle Action (qui est quand même très sympa et qui se retrouve dans la première intégrale Black Panther chez Panini). Mais ce qui est un peu dommage, c'est que l'auteur va un peu plus dans l'efficacité graphique et se laisse moins aller aux grands visuels impressionnants et hallucinants. L'esprit apocalyptique et cinglé des récits de Kirby reste quand même là, bien heureusement.
Et l'album se termine sur une troisième intrigue, là aussi assez tarée, où Black Panther se met à se découvrir des pouvoirs extra-sensoriels dû à son exposition au Vibranium, pendant qu'un vilain surpuissant, Kiber le Cruel, kidnappe un membre de la famille royale pour sa collection d'êtres humains à transformer en ampoules d'énergies. Ampoules qui permettent bien entendu à Kiber de vivre éternellement. C'est un peu un vilain qui aurait pu se retrouver face à n'importe quel héros et on ne saura jamais pourquoi il s'en est pris au Wakanda, mais ça reste une histoire très sympa, même si les visuels sont peut-être encore moins foufou. Et surtout, alors que Kirby commençait cette intrigue, Archie Goodwin s'est fait remplacé à son poste d'éditeur en chef par Jim Shooter, ce qui a visiblement déplu au King, qui a claqué la porte de Marvel assez rapidement en laissant cette intrigue inachevée. C'est alors Shooter, aidé par Hannigan, qui termine cette histoire. Le résultat se laisse lire puisque les dessins de Jerry Bingham sont vraiment pas mal (même si ils n'ont rien à voir avec le style de Kirby) mais c'est quand même moins bien que ce que faisait le maître.
Donc voilà, un tome très particulier dans l'histoire de Black Panther, avec des aventures et des personnages qui n'ont été que très rarement référencées par la suite et une tonalité typiquement Kirby mais assez radicalement différentes des autres récits du héros. Du coup, je le conseille plutôt pour les fans du King qui pourront apprécier son imaginaire toujours aussi explosif et ses visuels hallucinés. C'est peut-être pas le chef-d'oeuvre de l'auteur, mais ça reste une très bonne lecture.