Suite à la sortie de la bande-annonce du film Black Widow, je me suis donc lancée dans une frénésie de lecture sur l'héroïne. J'ai commencé diverses séries en parallèles, et j'ai terminé ce tome en premier, qui rassemble les aventures solo de Black Widow durant les années 80.
Cet album commence par une saga signée Ralph Macchio et George Pérez. C'est une aventure d'action espionnage à la James Bond très riche en action et en personnages haut en couleurs. Les dessins de Pérez sont magnifiques, pleins de détails, et il n'hésite pas à être inventif dans sa mise en page. C'est vraiment un superbe écrin pour une héroïne qui n'avait pas de série solo à l'époque.
Cette histoire est plutôt pas mal pour commencer à découvrir l'héroïne car elle contient un bon gros récap' de l'origin story de l'héroïne à l'époque et un résumé de son parcours dans l'univers Marvel jusque-là (qui est assez particulier puisqu'elle est passée de la série Iron Man, aux Avengers puis à Daredevil, sans oublier quelques aventures solos dans Amazing Adventures). Il faut savoir que la fameuse "Red Room" ne fait pas encore partie de la mythologie de la Veuve à cette époque, ça n'arrivera que dans la série de 99, mais on a déjà l'idée qu'elle est entraînée par les soviets toute sa jeunesse. D'ailleurs, je ne sais pas si c'est une omission ou un élément qui est apparu après, mais ici Black Widow ne devient pas une danseuse du Bolchoï. Quant à Ivan Petrovitch, son chauffeur, on voit ici qu'il est aussi son mentor et qu'il l'a recueilli quand elle était un enfant en bas-âge. Je ne sais pas si cet élément là est un ajout ou non.
Et on retrouve ensuite les éléments qu'on avait appris dans Avengers #43-44 avec son mariage avec Alexi Shostakov, astronaute soviet qui mourra en mission, et Natasha qui pour honorer sa mémoire voudra elle aussi se mettre au service de l'état et seulement alors, elle deviendra une espionne. Avec ensuite son changement de camps et plus tard les retrouvailles avec Alexi devenu le super-soldat patriotique Red Guardian.
Pour en revenir à l'histoire plus globale racontée dans ces Marvel Fanfare, elle est plutôt chouette, même si elle n'est pas sans défauts. Il y a pas mal de rebondissements plutôt clichés, notamment dans la conclusion (mais ça reste suffisamment bien fait à mon goût pour ne pas être gênant du tout) et surtout ça a pas mal vieilli. Il y a un petit côté film d'exploitation de série-B avec une ou deux scènes où George Perez a envie de se faire plaisir et trouve des excuses bidons pour dessiner Black Widow plus légèrement vêtue, et il y a aussi ce groupe d'assassins issus des quatre coins du monde qui a pris un petit coup de vieux.
J'adore l'idée d'assassins internationaux haut en couleurs et j'étais très content de découvrir ces personnages, mais ils correspondent à des clichés assez datés, que ce soit Kono l'assassin sumotori et surtout, plus gênant, N'Kama, le guerrier zulu qui se balade a moitié nu avec seulement un pagne et divers bijoux traditionnels et qui se fait appeler "bwana" ou "the african" par Natasha.
Donc voilà, ce n'est pas le plus moderne des récits des années 80. Cependant, c'est toujours intéressant de voir l'univers Marvel au delà des frontières américaines avec des personnages internationaux et une partie de l'intrigue à Hong-Kong. J'ai aussi apprécié de voir l'agent Jimmy Woo (issue de la série des années 50 Yellow Claw et qui deviendra dans les années 2000 le chef des Agents of Atlas) qui fait un petit coucou.
Ce qui est intéressant également dans cette histoire, c'est de voir Ralph Macchio essayer de construire une rogue-gallery à Black Widow avec certains vilains redoutables, dont un issu de ses aventures avec Daredevil, et qui sont plutôt prometteurs. Et c'est intéressant d'avoir une histoire de l'espionne qui va au-delà d'un affrontement avec des agents soviétiques.
Après cette histoire, on a celle issue de Bizarre Adventures #25, qui est en noir et blanc, avec de nouveau Ralph Macchio au scénario mais avec Paul Gulacy aux dessins cette fois-ci. C'est une histoire d'espionnage beaucoup plus sérieuse, beaucoup moins extravagante, avec pas mal de faux-semblants et où Black Widow se fait pas mal mener par le bout du nez.
Le fait que l'héroïne se fasse toujours avoir est d'ailleurs un élément malheureusement très constant de ses aventures (même dans d'autres séries plus modernes), ce qui est assez étonnant par rapport au fait qu'elle soit réputée comme étant une des meilleures espionnes mondiales. Je sais bien que le sel des histoires d'espionnages est justement d'avoir des twists dans tous les sens et que rien ne se passe comme prévu, mais ça pourrait être intéressant de la voir totalement maîtriser la situation de temps en temps, façon Black Panther par Priest par exemple.
Toutefois, ici, elle se fait un peu avoir et on fini l'histoire par deux pages ou plus de monologues d'un gars qui nous explique tous les tenants et aboutissants de l'histoire. Ce n'est pas mon histoire favorite du tome, mais elle est quand même intéressante et elle plaira sûrement à ceux qui auront trouver la première saga trop fantasque.
Enfin, le tome se termine par le roman graphique "The Coldest War" (le terme roman graphique est utilisé aux Etats-Unis pour les histoires qui ne sont pas publiées en single issues de 20-30 pages, mais dans des formats plus longs et souvent plus luxueux, ici c'est une histoire d'une soixantaine de pages et avec une colorisation un peu plus poussée que ce que l'on trouvait dans les séries d'alors). C'est une histoire sortie en 1990 mais qui se passe dans sa majeure partie dans les années 80 et qui profite du climat de fin de guerre froide de l'époque. C'est scénarisé cette fois-ci par Gerry Conway et dessiné par George Freeman. Black Widow y porte son costume gris et ses cheveux courts de l'époque. Contrairement à Bizarre Adventures #25, on retrouve une Black Widow qui a un peu plus souvent l'ascendant sur la situation et dont le talent est montré à plusieurs reprises lors de scènes d'action ou d'infiltration, même si elle se fait quand même rouler à plusieurs reprises puisque ça reste des histoires d'espionnages de l'héroïne.
J'ai bien aimé retrouvé Ivan Petrovitch en chauffeur et assistant de Natasha, leur dynamique ensemble est plutôt chouette et c'est quelque chose qu'on avait pas vu dans les autres récits. De manière général, Conway gère plutôt bien son intrigue. On a ici une histoire très liée à Avengers #43-44, avec le défunt mari de Black Widow, Alexi AKA Red Guardian qui est au cœur du récit. Et rassurez-vous, l'histoire des Avengers est résumée ici si vous ne l'avez pas lue. Par contre, dans les éléments du passé de Natasha qui sont écrits ici, le fait qu'elle est été danseuse au Bolchoï est primordial, et elle ici formée uniquement à la danse dans sa jeunesse et pas au combat, contrairement à la version racontée par Macchio dans Marvel Fanfare. Et elle ne devient espionne et combattante qu'à la mort d'Alexi.
C'est assez intéressant comment Black Widow voit son passé être continuellement reconstruit et développé au cours de ses différentes séries, jusqu'à la mini-série Deadly Origins en 2010 qui essayera de mettre un peu à plat les différents éléments ajoutés au fil des ans. En tout cas, ce Coldest War est un récit plutôt sympa, avec de bons rebondissement et la fin de la guerre froide qui est abordé, ce qui change un peu.
Les dessins de George Freeman, quant à eux, ont la particularité de représenter une Black Widow un peu moins sexy que celle de Peréz, notamment dans son visage qui plus rude, ce qui change un peu d'habitude et ce n'est pas désagréable.
Bref, Black Widow n'est pas une héroïne qui a eu beaucoup d'aventures en solo avant les années 2000 (ce qui est assez paradoxal quand on voit à quel point elle est liée à la Guerre Froide) mais ces quelques aventures des années 80 sont vraiment très chouettes. Ça m'a fait plaisir de voir de l'espionnage moins torturé et plus explosif avec le récit de Pérez, et de découvrir l'univers de l'héroïne à l'époque, notamment les figures d'Alexi et d'Ivan que je ne connaissais pas vraiment. Par rapport à ce que j'ai pu lire de ses histoires des années 60, Macchio et Conway semblent vraiment trouver comment écrire l'héroïne en solo, et on bascule de plus en plus dans les récits d'espionnage qui seront sa marque de fabrique ensuite, avec les éléments super-héroïques qui se font progressivement de plus en plus rare. A mon sens, c'est franchement un bon tome pour découvrir l'héroïne.