Quand je vois les noms Jeph Loeb et Tim Sale sur un comics, de préférence ensemble, je sais instantanément que je vais lire une oeuvre de haut niveau.
Spider-Man Blue fait partie de cette série d'oeuvres Marvel de rétrospective à laquelle les deux auteurs s'adonnent dès que possible, avec Daredevil Yellow, Hulk Gray et Captain America White (il me semble que c'est tout ce qui existe pour le moment). Le but est donc de redécouvrir le passé d'un héros, en respectant le style de l'époque, mais avec une écriture plus condensée et moderne et le trait inimitable de Tim Sale.
Et Spider-Man Blue fait ça avec intimisme et simplicité. Peter Parker y raconte son amour naissant pour la malheureuse Gwen Stacy, ayant perdu la vie dans les conséquences que les connaisseurs connaissent. Il dit ses regrets et ses souffrances, mais parle également de l'arrivée inopinée dans sa vie de Mary Jane Watson...
Toute la subtilité du récit tient dans le fait que jamais les auteurs ne nous montreront effectivement le décès de Gwen Stacy (oui, tant que j'y suis désolé, mais c'est un spoiler qui a plusieurs décennies derrière lui, et qui est le point de départ du récit, donc j'estime ne pas avoir à le signaler outre mesure), mais montreront les événements qui y ont conduit, et la relation qui se tisse au fil des aventures de l'homme-araignée. Il faut d'ailleurs dire que les épisodes qui sont montrés dans Blue sont des aventures historiques du héros, légèrement relus mais globalement reproduits avec fidélité... mais avec un point de vue et une relecture différente, forcément plus nuancée. Les déboires de Parker y sont relus avec l'ombre du drame qu'ils annoncent, et la gravité de l'homme d'âge mûr qu'il est devenu. Un récit fin et subtil en somme, qui constitue pourtant un véritable hommage aux comics de l'époque.
L'hommage se poursuit d'ailleurs jusque dans les dessins de Tim Sale, qui reprennent à l'identique le design des personnages de l'époque, en le sublimant avec une certaine retenue. Parce que oui, le dessinateur ne part pas dans son univers si caractéristique, mais se borne à mettre son style au service des planches originelles. C'est bien ça qui rend l'oeuvre si intéressante.
La force de Blue est aussi son défaut. Le récit est simple et finalement pas vraiment essentiel, à ceci près évidemment qu'il permet à ceux qui le désirent de redécouvrir de façon rapide et modernisée certains événements de la continuité (j'en dis pas plus, pas par peur du spoil mais pour laisser quand même le plaisir de la découverte).
À noter pour ceux que ça peut amuser que le cinquième épisode a été également réinterprété et parodié dans un épisode de Deadpool Vol. 1, de 1997, qui est particulièrement drôle.
Une belle fenêtre sur le passé du tisseur, sublimée par la patte inimitable de deux grands noms du comics.