Blood Lad
6.1
Blood Lad

Manga de Yūki Kodama (2009)

Bonjour.


C’était de la merde.


À demain.


Avouez que ça irait tout de même plus vite ; que ça nous épargnerait un temps précieux à vous comme à moi. D’autant que les bribes de santé mentale qu’il me reste se comptent à présent en résidus. Un jour, y’aura la goutte de trop, et je risque de dégueuler acide.


Blood Lad n’aura cependant pas le privilège de la bile, alors que quelques vagues postillons seulement suffiront. Il est des œuvres si atones en ce bas monde que celles-ci ne sont même pas dignes de mépris. C’est très généralement ce que recouvrent mes 2/10. Pas un cri, pas une larme, non… rien qu’un soupir désabusé et un regard morne. Quoi que la présente composition fut si fainéante qu’elle n’eut pas même le privilège de surseoir au pire. J’entendais son auteur ronfler en écho à travers les planches qui me parvenaient.


Premier mot sur la première case : « Vampire ». Je sais que ça implique un conditionnement psychologique. Les chakras ont intérêt à être grands ouverts et bien aérés ; la congestion nous guette.


« Ouais, mais tu vois, moiiii, j’ai une nouvelle approooooche. Je suis un Vampire, tu vois, pas le genre avec la cape et tout ça tu vois, je suis moderne, je suis déglingo, quoiiii »


Ma foi, ce que je lis là est une approche fraîche et originale qui retravaille divinement un classique de la mytholo…


Ça a déjà été fait ailleurs mille fois, et en mieux.


Des contes de vampire modernes, ça se mesure à la kilotonne par les temps présents. Du pire au meilleur, de Twilight à Vampire the Masquerade, en passant, pourquoi pas, le temps d’une incursion chez Gantz et une déviation par Tokyo Ghoul, cette idée d’un vampire ou créature assimilée, plongé dans le monde moderne, on ne l’a que trop subie. C’est être visionnaire que d’aller miner dans le Yukon avant la ruée vers l’or, c’est passer pour le dernier des abrutis que d’arriver là-bas une pioche sur l’épaule aux lendemains du deuxième millénaire.


En trois pages à peine, les promesses sont formulées : vous n’aurez rien, et vous l’aurez sur dix-sept tomes.


Un concept sans idée, un art sans artiste ; le milieu du manga, avec Blood Lad, s’enorgueillit ainsi d’une nouvelle infamie à rajouter à longue liste qui le caractérise. Je suis positivement sidéré de savoir qu’à un instant donné, un chargé éditorial, après avoir lu ce que je me suis injecté dans la prunelle, a pissé son onction sur l’œuvre afin de la consacrer.

Allez savoir combien d’auteurs méritants, parce qu’ils ne se conforment pas à des standards étriqués ; parce qu’ils ont l’audace d’avoir du génie, se voient refuser leur script pour ensuite voir paraître un Blood Lad. Si j’avais, par inadvertance, oublié que le monde était un endroit injuste, cette énième piqûre de rappel m’aurait ravivé la mémoire.


Puisque, d’emblée, nous n’en sommes plus à un truisme près, autant y aller bon train. Coupez les freins, l’abjection cheminera sans halte ni réserve. Le vampire tombe amoureux de la nana qu’il est censé mordre et ce, après avoir seulement porté les yeux sur elle. Il faut dire que le charisme de plante verte qui se dégage d’elle doit être franchement enivrant, moi-même, je me sens somnoler chaque fois que je lis ses répliques.


Les vampires et autres créatures du monde surnaturel – qu’on ne développera pas par flemme – ont tous ici des pouvoirs aléatoires, parce que. On n’explique jamais rien de cet univers qu’on nous présente, et du peu qui nous parvient, c’est mal dit. L’improvisation ne se conçoit pas d’un chapitre au suivant, mais d’une case à l’autre.


Parce qu’il lui faut bien un objectif à notre protagoniste, il cherchera à ramener la demoiselle à la vie. Demoiselle qui, fort heureusement, subsistera en ce bas monde sous la forme d’un fantôme. Celle-ci ne perdant alors pas un iota de ce qui constitua naguère ses protubérances mammaires. Protubérances qu’on exhibera à demi à compter du premier chapitre. Aaaaah, l’ecchi…. la marque des grands auteurs de ce siècle.

Soit dit en passant, et d’un ton aussi las que désabusé, je me faisais la réflexion comme quoi, si les auteurs persistaient à combler l’absence de personnalité de leurs personnages féminin par une excroissance de poitrine, les cases finiraient bientôt saturées par des paires de nichons venues nous obstruer la vue. Ce qui, finalement, ne serait peut-être pas plus mal, car je le dis pour avoir bien scruté l’horizon qu’on m’a présenté ici : il n’y a rien à voir.


Vous vomirez vous aussi, et bien assez tôt, les frasques libidinales mijaurées dont on nous gratifiera à chaque chapitre qui vient.


Si je devais me hasarder à une comparaison – et ce serait me donner bien du mal que d’agir en ce sens – je dirais que Blood Lad est un Beelzebub ayant renoncé à l’humour, s’agrippant maladroitement aux œuvres de Fujimoto qui, si elles n’ont rien de dantesque, s’efforcent au moins d’arborer un style qui leur est propre, contrairement à qui cherche à les copier vainement.


Et à quoi que ça sert, une fille, dans un Shônen ? À avoir de gros nibards, oui. 20/20 pour toi au fond, mais aussi… et surtout… à occuper le rôle de damoiselle en détresse qui se fait sans cesse enlever comme la dernière des gourdes. À chaque nouveau chapitre qui m’accable, je raye une à une les mentions de la liste des clichés inadmissibles. Notez que je suis pas bien malin, car à force de m’y éprouver à ce festival de banalités, je pourrais encore bien toutes les rayer d’avance.


Les personnages secondaires ne sont là que pour offrir un panel graphique à même de simuler la variété en tapisserie. Une fois suffisamment de recul pris sur l’œuvre, vous mesurerez qu’aucun d’entre eux ou presque n’a eu d’importance relativement à l’intrigue. Ôtez les alliés de Staz, vous remarquerez que rien ne changera. Leur présence n’a pour intérêt premier que de rajouter des combats chiants afin de couper la sauce à grand renfort d’huile de vidange. Rien n’est jamais trop bon pour le lectorat Shônen moyen, alors autant lui déverser le tout venant dans le gosier. Ces gens-là sont l’égout bien trouvé des esprits ternes et sans imagination.


Tout finit bien grâce à une fin convenue qu’on devine griffée sur un coin de nappe à la veille de sa parution. Staz et sa greluche ne seront jamais séparés malgré l’adversité qui n’en était pas, et la vie, de là, sera un long fleuve tranquille ; un Gange poisseux et méphitique où flotteront les cadavres de l’espérance, l’intégrité et de l’amour propre ; fussent ceux de l’auteur ou bien de ses lecteurs.

Je me dis, à subir constamment ces compositions lambda, que chaque nouvelle production du même acabit n’est en réalité qu’un test, un qui sert à mesurer l’étendue de la connerie de la population. Un Shônen sans ambition qui se perpétue, c’est une sonde qui s’enfonce un peu plus loin dans les abîmes. Et je voudrais pas vous inquiéter, mais je crois qu’on a trouvé plus bas que la Fosse des Mariannes.

Josselin-B
1
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le 7 déc. 2024

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Josselin Bigaut

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