Tu connais le dicton : The show must go on !

• L'acteur est considéré comme une sorte de machine à la disposition du metteur en scène qui doit pouvoir contrôler son corps de manière mécanique pour obtenir les mouvements et l'attitude prévue par le scénario.


• C'est sûr que ça aide...


• C'est pour ça que l'acteur doit s'imprégner de son rôle avant de commencer à jouer, c'est pour ça qu'on est là Nevada !


• C'est ce qu'on m'a dit, mais on va éviter de trop s'imprégner, il y a des serpents à sonnette dans le coin, alors restez bien derrière moi.


• Et des Indiens sur le sentier de la guerre ?


• Depuis 60 ans, les hopis sont sur le sentier des bouteilles de gnôle... La seule chose qu'on risque, c'est d'être asphyxié par les vapeurs d'alcool !

Désuétude à Hollywood !

Le duo de scénaristes Fred Duval et Jean-Pierre Pécau est de retour avec les éditions Delcourt pour "Nevada", tome 3 : « Blue canyon ». Nevada est une saga de bande-dessinée atypique qui nous immerge dans l'Hollywood des années 50. Une industrie cinématographique en développement qui voit déjà naître son lot de corruptions et de pratique toutes plus détestables les unes des autres. Un monde chaotique impitoyable où la mafia, la drogue, l'alcool et la luxure se trouvent être l'envers du décor des belles paillettes Hollywoodiennes. Un système pourri bien huilé vendu comme la nouvelle merveille du monde, à laquelle chacun rêve de croquer une part du gâteau. Seulement, derrière la caméra règne une sphère désenchantée, hypocrite, brutale et scélérate. Un empire dangereux pour lequel travail, "Nevada Marquez". Aux ordres de sa patronne "Louise Hathaway", productrice de renom qui tire quelques ficelles à Hollywood, Marquez est spécialisé dans l'art de régler des litiges confidentiels souvent compliqués et controversés. Une pièce importante du puzzle permettant de corriger les nombreuses dérives d'un système ô combien chaotique. Un polar noir sauce gangster savamment orchestré autour d'un western moderne âpre. La résultante de l'après « Conquête de l'Ouest » : une vision sinistre.

Pour cette troisième mission, Nevada doit escorter lors d'une randonnée à cheval "Mc Nabb", alias « l'étoile solitaire », pour rejoindre le tournage d'un nouveau western situé à Monument Valley. Il ignore que la star n'a pas honoré une grosse dette de jeu et que la mafia de Chicago a engagé une équipe d'assassins dirigée par le fameux "Carlsen". Blue canyon est un album intensif qui s'accentue au fur et à mesure que le lecteur tourne les pages. Le récit est sous tension. Les sous-intrigues accrocheuses. Les retournements de situation captivants. Les confrontations explosives. Au menu : poursuite sous un soleil de plomb, tournage chaotique, désuétude, vengeance, égoïsme complot, trahison, corruption... En somme, du Nevada pur et dur ! Comme d'habitude la bande dessinée fait référence à des noms importants dans le show-biz comme : "Roscoe Conkling Arbuckle" surnommé « Fatty Arbuckle ». Un acteur et réalisateur qui fut impliqué dans un scandale de viol et de meurtre. Il fut acquitté (vive Hollywood) mais sa carrière fut brisée. On entend parler de "Miss Marple", le nouveau roman d'Agatha Christie auquel on conseille d'acheter les droits. On parle également de la fin du cinéma muet et de l'arrivée du système parlant. Des références que l'on prend un malin plaisir à fusionner avec cette fresque malsaine.

On retrouve Nevada Marquez avec plaisir, toujours accompagné de Louise Hathaway. On explore davantage le passif des deux personnages et le traumatisme qui les lient au fameux Carlsen, que l'on découvre enfin. S'ensuit une confrontation sans ménagement entre les trois personnages lors d'une terrible vendetta. Une fusillade intensive qui ne fait pas dans la dentelle. Pour s'achever sur un affrontement final haletant entre Nevada et Carlsen. Un duel de cowboy à cowboy qui met à l'honneur le western. Dorothy Johnson est également de retour. Elle semble entretenir une liaison sexuelle avec Louise. L'on retrouve la technicité si personnelle de Colin Wilson, qui pose le ton si particulier de cette bande dessinée. Une conception surprenante des vastes espaces américains retranscrit à travers une ambiance désespérée. Une atmosphère sale et ravagée venant contraster la vision fantasmagorique de l'Ouest cinématographique. Un cadre désenchanté qui n'est le fruit que du passage mortifère de l'homme blanc après avoir volé les terres aux Amérindiens. Les traits des personnages sont authentiques avec des vraies gueules bien que je regrette un manque de finition et de précision au niveau des gros plans sur les visages. Le jeu d'ombres n'est pas toujours bien géré. La colorisation de Jean-Paul Fernandez colle bien avec le cadre.

CONCLUSION :

"Nevada", tome 3 : « Blue canyon » est un bon album au service d'une saga rare qui maintient un niveau d'intérêt élevé avec son cadre et son récit si particulier. Une bonne idée de scénario pour une ambiance polar gangster sauce western décidément unique. Pour autant, si cette franchise à tout pour se dresser comme l'une des meilleures, il lui manque un je-ne-sais-quoi qui pourrait rendre le tout beaucoup plus impactant. On a à chaque fois l'impression de survoler rapidement l'intrigue principale en se focalisant que sur des éléments un peu plus secondaires alors que l'essentiel est de loin le plus intéressant.

Je n'ai aucun doute qu'on va à force avoir droit à un très grand album provenant de cette licence. En attendant, Nevada tome 3 reste un très bon cru.

• Nevada Marquez... Ce nom ne te dit rien ?


• Rien du tout, monsieur, un mexicain ?


• C'est l'homme qui a le plus envie de me tuer au monde ! C'est mon pire ennemi ! C'est Caïn, Tom ! Il me cherche depuis plus de 10 ans, sans relâche, obstinément, comme Caïn traqua son frère Abel.


• Sans nul doute un homme maléfique. Monsieur, le jugement de Dieu aurait dû s'abattre sur lui depuis longtemps.


• Les voies du Seigneur sont impénétrables, Tom. Mais dans sa grande bonté il a fait en sorte de l'épargner, et tu sais pourquoi ?


• Comment le saurais-je, monsieur ?


• Parce que cet homme est proche d'une femme qui sera mienne un jour...