mai 2008:
Décidément ce Chaland m'épate. Il est continuellement là où on ne l'attend pas. Flirtant avec les clichés de la bédé des années 50 et 60, il fait au détour d'une case ou d'un phylactère un virage bouleversant, bien souvent au cours de la lecture c'est tout le récit qui prend un pli extraordinairement inattendu. On est dans une histoire rigolote, simpliste et soudain, l'horreur, l'indicible éclate la narration. Les personnages, au premier rang desquels on trouve le jeune Albert, traversent des chemins non balisés alors qu'ils se baladaient jusque là sur des sentiers bien connus.
Chaland, trop vite décédé, manque à la bédé contemporaine et se replonger dans la biblio de ce jeune auteur m'inspire une profonde mélancolie par moments. Quel gâchis! Que de talent pur, parti en fumée dans un accident de la route. A se demander si ce travail ne relève pas du génie.
J'adore ce dessin et l'usage effronté qu'il en fait. Il prend un monde, des convenances, parait un temps les respecter mais par surprise les expulse, les malmène, les déchire. Jouissif, incisif, intelligent. Ce ne sont pas seulement les clichés de la bédé qui en prennent un coup. Chaland va bien au-delà et perturbe la vilenie, l'absurdité du monde contemporain, les ressorts xénophobes de la bêtise sociale.