On le sait: le monde est peuplé de dangereux terroristes. Prenez Jean-Childéric, par exemple, alias Jean-Chi, alias « Human bomb ». Il a l’air inoffensif comme ça, mais ce vieillard en chaise roulante est capable de se « vider le moutardier » sur demande n’importe où et n’importe quand, de préférence au milieu d’un meeting de l’UMP ou d’un cocktail des anciens de Sciences Po. Et quand il relâche totalement la plomberie, l’odeur est tout simplement insoutenable! Jean-Chi, c’est la plus belle arme de « Ni yeux ni maître », un mouvement d’anarchistes du troisième et du quatrième âge. La spécialité de ce groupe extrêmement bien organisé, ce sont les attentats gériatriques. Lorsqu’un bistrot de quartier se transforme en bar branché, par exemple, les petits vieux se mobilisent pour occuper les lieux en permanence et y jouent aux cartes ou font du tricot en buvant des thés au jasmin ou des infusions fenouil-réglisse, histoire de chasser les clients plus jeunes et mettre la pression sur le propriétaire. Pierrot est l’une des principales chevilles ouvrières de « Ni yeux ni maître ». Mais au début de ce deuxième épisode des « Vieux Fourneaux », il n’a vraiment pas le moral. Il vient pourtant de recevoir un beau cadeau sous la forme d’un mystérieux colis contenant 200.000 euros en petites coupures, mais la lettre qui accompagnait le colis lui a fait un sacré choc. Car cette lettre, sur laquelle figure l’emblème des pirates et les mots « pour la cause », est signée par une certaine Ann Bonny. Un nom trouvé au hasard sur Google par Sophie, la petite-fille de son ami Antoine. Celle-ci a hérité d’une somme énorme et ne sait pas en quoi faire. C’est donc elle qui a envoyé cet argent à Pierrot, afin de soutenir son mouvement. Mais sans se douter une seule seconde qu’Ann Bonny était en réalité le pseudo d’Anita, le grand amour de jeunesse de Pierrot. Une femme qu’il aime encore à la folie, mais qu’il croyait morte depuis 1963! Pour Pierrot, c’en est trop: incapable de vivre avec cette révélation, il décide de se jeter du haut de l’immeuble parisien occupé par « Ni yeux ni maître »…
Quelques mois à peine après l’énorme succès public et critique du premier épisode des « Vieux Fourneaux », voici que sort déjà « Bonny and Pierrot », le deuxième tome de cette nouvelle série savoureuse signée Lupano et Cauuet. Une fois de plus, les dialogues sont formidables et on rit aux éclats. Pour ne rien gâcher, Lupano glisse ça et là quelques touches d’émotion dans son scénario extrêmement bien ficelé et surtout, il n’hésite pas à dénoncer avec humour les travers de notre société, comme il l’avait déjà fait dans le premier épisode. Dans « Bonny and Pierrot », Lupano s’en prend surtout aux boulangers qui donnent des noms improbables à leurs baguettes. Manifestement, cette tendance aux noms de pains très créatifs doit l’énerver fortement, car il en fait un « running gag » irrésistible tout au long de l’album. Et comme dans le premier tome, c’est Sophie qui finit par péter une durite face à la boulangère qui refuse de lui vendre une simple baguette: « Allez vous faire voir avec vos transcendantales à la farine de meule et vos prolégomènes à l’ancienne et tous vos noms à la mords-moi le fion! J’irai chercher mon pain ailleurs! » Y a pas à dire: « Les vieux fourneaux », c’est vraiment du pain bénit!
matvano
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le 10 nov. 2014

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