L'adaptation au carré: Barral d'après Tardi d'après Malet
S’il fallait trouver un terme pour désigner ce nouvel épisode des enquêtes de Nestor Burma en BD, on pourrait parler d’une adaptation au carré. "Boulevard… Ossements" est effectivement l’adaptation d’une adaptation, puisque Nicolas Barral s’est inspiré de "l’univers graphique" de Jacques Tardi pour adapter à son tour "l’univers littéraire" de Léo Malet. Il n’est d’ailleurs pas le premier à marcher dans les traces du grand Tardi, dans la mesure où les trois précédents albums de Nestor Burma étaient signés Emmanuel Moynot. Mais force est de reconnaître que Barral est plus à l’aise que Moynot pour "faire du Tardi". Certes, il a sans doute moins de personnalité que Moynot mais par contre, Barral est plus fidèle à l’esprit et à l’humour grinçant des albums de Tardi, avec en prime davantage de mouvement au niveau des personnages et donc un peu plus d’action. Il faut dire que Nicolas Barral a déjà une certaine expérience des pastiches puisqu’il a notamment signé plusieurs albums des aventures de Philip et Francis, une parodie de Blake et Mortimer. Et puis, comme il l’explique lui-même sur le site des éditions Casterman, il est depuis longtemps un "gros fan" de Nestor Burma et de Tardi. "J’avais 17-18 ans quand j’ai fait mes premiers pas de dessinateur en herbe", explique-t-il. "Comme je venais de lire une interview de Tardi où il expliquait sa méthode de travail à propos de la série Nestor Burma, je suis parti en repérage dans Paris avec mon appareil photo et j’ai réalisé un mini récit… à la Tardi. Le temps a passé, d’autres auteurs m’ont influencé, mais Tardi reste tout de même une référence importante pour moi". Une influence manifestement bénéfique, dans la mesure où ce "Boulevard… Ossements" offre un réel plaisir de lecture. Tous les ingrédients d’un bon Burma sont réunis: l’intrigue est alambiquée à souhait (en gros, elle mélange un mystérieux diamantaire, un restaurateur chinois et un magasin de lingerie tenu par deux femmes russes), le Paris des années 50 est magnifiquement reconstitué (cette fois-ci, c’est le 9ème arrondissement qui est à l’honneur) et les dialogues sont truffés de répliques bien senties, comme dans les livres de Léo Malet. Cerise sur le gâteau: Hélène, la secrétaire de Nestor Burma, joue un rôle plus important que d’ordinaire dans cet album. Ce qui est plutôt une bonne chose car, derrière son air bougon, la demoiselle est au moins aussi drôle et futée que son patron, ce qui l’amènera à participer de manière cruciale à la résolution de l’enquête. En cette période d’examens scolaires, on ne peut donc que remettre un beau bulletin à Barral pour son entrée très réussie dans la série Nestor Burma. Le maître Tardi peut être satisfait de son élève.
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